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13 décembre 2008

La mort de quelqu'un qu'on aime

[en réponse à un commentaire de Camille...]

Il y a la dépression classique - celle que rien ne semble justifier - et la "dépression réactionnelle" : celle qui s'explique par des causes évidentes et incontournables.

La mort d'une personne aimée entre de toute évidence dans cette dernière catégorie.

Le discours officiel sur la dépression aimerait bien redéfinir comme pathologique, anormale, cette souffrance-là ; ça lui permettrait d'ouvrir encore un peu l'éventail de ses prescriptions. C'est pourquoi des psychiatres ont récemment décidé que la durée d'un deuil devait être de six mois (ou deux, je ne me souviens plus) : si vous osez dépasser d'une larme cette limite... allez vite chez votre docteur.

L'amour le plus légitime, le plus naturel, se retrouve aussi calibré ; et malheur à celui dont la tendresse excède les mesures réglementaires! Il n'est pas sensible, il n'est pas aimant : il est malade.

Craindre et anticiper le décès d'une personne qu'on aime, c'est simplement faire preuve d'une certaine prévoyance (au sens littéral de "voir à l'avance"). Se faire du mouron, du souci, s'angoisser et s'attrister à cette perspective est naturel.

Ce qui nous rassure sur notre normalité, mais ne nous donne aucune solution quant au mal-être qu'on ressent...

Il faut donc creuser le sujet un peu plus.

Ce qu'on craint dans la mort de quelqu'un qu'on aime, c'est la séparation et la perte (incontestables) mais aussi son caractère définitif.

Autrement dit, lorsqu'on s'angoisse à l'idée que quelqu'un qu'on aime va mourir un de ces jours, on a deux éléments qui se mêlent :
- une certitude, que la mort est irréversible ;
- une croyance, celle qui n'a rien après la mort, ou qu'il n'y aura aucune réunion heureuse dans l'après-mort pour cette personne et nous.

Evidemment, il ne suffirait pas de se répéter par la méthode Coué "après la mort, on ira tous au Paradis" pour que ce soit vrai. Et, sur un sujet pareil comme sur tous les autres, ce dont on a besoin c'est de vérité.

Car il n'y a que les vérités qui rassurent, qu'elles qui apaisent ; les espoirs illusoires ne font que des anesthésies...

A ce propos (non, ce n'est pas une digression), tout laisse à penser que les mensonges ne rendent pas heureux. Bien sûr, quand ils sont peints en rose, ils peuvent susciter pendant un certain temps un certain bien-être, mais ce bien-être-là est toujours hésitant, et bouge dans le coeur sans y trouver de place. Le mensonge ne "colle" pas ; il ne se cale jamais sur les vérités assurées, et l'intervalle de vide impossible à résorber qui l'entoure nous signale toujours que... il y a quelque chose qui cloche.

Alors revenons à l'angoisse, à cette idée que quelqu'un qu'on aime va mourir - que ce soit bientôt ou dans longtemps ne change, au fond, rien à l'affaire.

Il y a plusieurs moyens de s'en débarrasser...

La première est volontariste : elle consiste à se raisonner de façon draconnienne, à se convaincre sur tous les tons que notre broyage de noir ne changera rien à l'affaire ; on ne marchande pas avec le destin : tous nos états d'âme ne retarderont pas d'une heure, pas d'une minute, le décès de ceux qu'on aime - pas plus d'ailleurs que leurs propres angoisses à notre propos ne retarderont l'heure de notre propre mort.

Le destin, la fatalité... tout ce qu'on veut... est déjà écrit ; imaginez qu'il y a quelque part un immense livre, et que sur ce livre, le moindre détail de nos vies ait été déjà mis noir sur blanc il y a des millions d'années, déjà écrit avant le commencement du monde. L'encre a séché depuis longtemps ; ce ne sont pas nos larmes qui vont y changer quoi que ce soit.

Alors pourquoi se créer des angoisses qui abimeront inévitablement notre santé - causons ainsi à d'autres (ceux qui nous aiment) les mêmes angoisses que nous ressentons actuellement ?...

Si on réfléchissait à tout ce que ça représente, d'être malheureux ou angoissé, peut-être qu'on parviendrait à s'interdire de l'être, ou du moins à limiter la durée de ces moments de spleen.

La seconde manière de limiter ses angoisses, c'est de les partager - sans insister lourdement - avec la personne qui nous les fait éprouver.
Communiquer ce que l'on ressent est un des moyens de le dédramatiser, quand on communique avec la bonne personne. Les sentiments que l'on entretient en circuit fermé ont tendance à devenir plus acide, plus douloureux ; les partager à la personne concernée, ou aux personnes concernées, leur ôte un peu de leur piquant.

Enfin... la troisième manière de limiter ses angoisses est de prendre le taureau par les cornes, et de se renseigner sur la mort.
L'intérêt est qu'on ne reste pas passif - ce qui est toujours mauvais ; l'intérêt est aussi qu'on peut avoir une bonne surprise : peut-être que la mort n'est pas un point final, après tout ? Et peut-être aussi qu'il y a "quelque chose" à faire pour l'avenir - celui qui suit la mort ?...

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