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03 décembre 2008

En réponse à l'hédonisme : "Laissez les incapables chercher le plaisir"

Voici quelques considérations sur le bonheur tirées de "L'homme de neige", un roman de George Sand.

(j'aime beaucoup George Sand. C'est le seul auteur qui, à l'époque, m'ait réellement fait du bien - elle en ferait à beaucoup d'autres si on la lisait davantage.)

Ces considérations sont particulièrement percutantes, surtout sur la fin : elles constituent une réponse à la philosophie de l'hédonisme.

L'hédonisme fait du bonheur, ou du plaisir (il confond les deux et il a tort) le but ultime de l'existence. La philosophie hédoniste génère un sentiment de culpabilité chez les gens qui souffrent : sous le régime hédoniste, on s'imagine que ne pas être heureux est une espèce de faute morale - un péché contre le Sacro-Saint Bonheur, cette idole qui fait beaucoup de mal... comme toutes les idoles.

Parenthèse - vous avez remarqué comme il est bien plus douloureux, bien plus pénible d'être déprimé à Noël, qu'à toute autre période de l'année ?... Je parie même qu'il y a augmentation du nombre de suicides aux alentours de Noël. C'est qu'à ce moment-là le bonheur est une espèce d'obligation. Ce qui prouve que l'hédonisme - festif ou autre - est une source de souffrance. L'idolâtrie du bonheur rend malheureux. Fin de la parenthèse.

La philosophie hédoniste confond le bien que l'on fait et celui que l'on ressent. Elle pose en valeur ce qui n'est qu'une récompense, un produit dérivé.

Voici ce que G. Sand, par la bouche de l'un de ses personnages, prêche à un jeune homme un peu perdu, qui a l'impression d'avoir gaspillé sa jeunesse :

"Le peu de jours que nous avons passés ensemble m'a suffi pour vous connaître et vous apprécier ; mais ne soyez pas inquiet ni découragé de votre avenir. Il sera beau s'il est utile, car, voyez-vous, je vais vous tenir un langage tout opposé à celui du monde, et dont vous reconnaîtrez le bon sens, si vous faites comme je vous conseille.

D'autres vous diront: sacrifiez-tout à l'ambition. Moi, je vous dis : sacrifiez avant tout l'ambition, comme l'entend le monde, c'est-à-dire ne vous souciez ni de fortune ni de renommée ; marchez droit vers un seul but, celui d'éclairer vos semblables, n'importe dans quelle condition et par quel moyen. Tous les métiers sont beaux et nobles quand ils ont ce but. Vous n'êtes qu'un bouffon, et moi je ne suis qu'un sorcier! Rions-en et continuons, puisque les marionnettes et la fantasmagorie nous servent à de bonnes fins. Ce que je vous dis là, c'est le secret d'être heureux en dépit de tout.

Pour moi, je ne connais que deux choses, et ces deux choses ne font qu'un seul et même précepte: aimer l'humanité et ne tenir aucun compte de ses préjugés. Mépriser l'erreur, c'est vouloir estimer l'homme, n'est-il pas vrai ? Avec ce secret-là, vous vous trouverez toujours assez riche et assez illustre. Quant au temps perdu que vous regrettez, vous êtes assez jeune pour le regagner amplement. Moi aussi, j'ai été un peu frivole, un peu vain de ma jeunesse, un peu enivré de ma force. Et puis, après avoir un peu follement dépensé mon patrimoine et mes belles années, je me suis relevé, et je marche. Je suis vigoureusement constitué, vous l'êtes aussi. Je travaille douze heures par jour, et cela est possible à quiconque n'est pas chétif et souffreteux.

Jetez-vous dans l'étude, et laissez les incapables chercher le plaisir. Ils ne le trouveront pas où ils croient, et vous le trouverez là où il est, c'est-à-dire dans la paix de la conscience et dans l'exercice des nobles facultés."

Les hédonistes cherchent le plaisir ; ils ne le trouvent pas où ils croient ; les justes cherchent à être utiles ; ils trouvent le plaisir où il est. Et c'est à chacun de choisir, ou re-choisir, son camp.

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