Nous vivons dans monde bizarre… un monde où la spontanéité des sentiments a été perdu, où le naturel s’est absenté – un monde où une police médicale réglemente et légifère sur les états d’âme les plus intimes. Et où nous acceptons, voire célébrons, ce viol étrange, inédit, de notre intériorité.
L’œil de big brother est ouvert ; il nous observe, il nous scrute, et nous lui sommes reconnaissant de sa vigilance.
Sous la puissance diagnostiquante de nos médecins et psychiatres, nous sommes en sécurité. Non pas en sécurité à l’abri de la souffrance, mais en sécurité à l’abri de l’inconnu.
Du menaçant.
De l’indéfinissable.
De l’obscur sans nom et sans contour qui monte non du dehors mais du dedans, qui nous attaque de l’intérieur, de là où nous ne l’attendons pas. Tout va bien, semble-t-il – et nous sommes en sécurité d’un point de vue physique.
Alors pourquoi cette peur ?...
Cette peur qui semble presque trop grande pour notre vie ?
Et qui, obscurément, confusément, nous relie à une réalité inconnue et menaçante d’une manière impossible à analyser ?
C’est là que Big Brother entre en scène ; il nous dit : « ce n’est rien. C’est seulement… » et Il nomme la bête, il identifie
Ou il prétend le faire.
Il ramène de l’Ordre dans le Chaos du monde. Il organise notre déroute. Il nous sauve de cette puissance inconnue qui nous traverse et nous menace, nous emprisonne et nous serre.
Ou il prétend le faire.
Il est la loi. La loi factice et rassurante.
Nous avons moins peur.
Nous sommes prêts à céder la dernière miette de liberté qui nous reste contre le réconfort de son paternalisme médical. Prêts à céder tous les droits chèrement acquis à une autre époque…
Le droit de penser, le droit de chercher, le droit d’oser, le droit de choisir.
Toutes ces libertés-là nous encombrent ; nous n’en voulons plus.
Donnez-nous seulement la paix ! Rien que la paix !
A défaut d’elle, c’est le calme chimique que Big Brother nous donne.
« Ne vous en faites pas : quand on est drogué, l’essentiel redevient inessentiel, la puissance se fond à nouveau dans le décor, tout redevient innocent et factice, creux et superficiel comme un sourire commercial sur une affiche publicitaire.
Ne vous en faites pas… ce qui est à vos trousses ne vous rattrapera pas ; nous y veilleront. Nous vous protégerons contre vos rêves, nous vous protégerons contre les vérités refoulées qui y affleurent. Nous vous protégerons contre votre propre intelligence, contre vos propres questions.
Nous vous délivrerons d’elles comme d’une tumeur… Comme d’un grain de beauté cancéreux… Et vous serez à nouveau léger et rieurs, vous flotterez à nouveau sur l’écume des choses, surfeurs du frivole… »
Alors nous leur donnons notre vie – notre vie meurtrie et vide.
Alors nous leur donnons quelque chose que nous n’aurions dû donné à personne.
Alors nous sommes soumis.
Alors nous sommes perdants.
Alors nous perdons notre cher, notre précieux, notre inestimable libre arbitre… Et c’est de notre faute.
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