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20 décembre 2008

Le Diable Intérieur (Andrew Solomon)

[Je me suis enfin procurée "Le Diable Intérieur" - livre que plusieurs considèrent comme la référence sur le sujet de la dépression... Voici mes premières impressions de lecture.]

Andrew Solomon écrit bien, d'une manière agréable à lire, et présente ses idées avec beaucoup de clarté. Rien que par son style vivant et imagé, il sort déjà du lot (tristounet, médiocre et ternasse) des auteurs-qui-ont-écrit-sur-la-dépression.

Je n'ai lu encore qu'une vingtaine de pages du "Diable Intérieur"... donc ce n'est pas une impression globale que je vous propose, plutôt quelques remarques.

Plusieurs points suggèrent que Solomon ne parle pas en tant qu'ex-dépressif, mais plutôt en tant que dépressif-entre-deux-épisodes-dépressifs :

1/IL croit que l'orgueil peut permettre à un individu de se sortir de dépression, alors que quelqu'un dont la personnalité serait plus "douce" n'y résisterait pas.

2/Il est visiblement totalement inconscient du rôle joué par les idées dans la dépression.

3/Il décrit, comme s'il y croyait, la dépression comme une espèce de parasite géant qui réduit à l'impuissance celui qui se retrouve entre ses griffes (ou vrilles) : la dépression apparaît comme "quelque chose de beaucoup plus fort que [lui]", quelque chose qui menace de "pulvériser mon cerveau, mon courage et mon estomac."

Cette dernière image est d'ailleurs intéressante... elle met sur un pied d'égalité deux organes et quelque chose qui est nettement plus abstrait : le courage. C'est un effet de style tout à fait réussi, mais c'est aussi révélateur d'un point de vue qui a ses limites : glisser une ou des qualités morales parmi les organes, ce n'est certainement pas les ranger à leur vraie place.

Vous allez peut-être dire que je chipote...

Mais c'est dans le détail des phrases, dans la manière dont elles sont tournées, qu'une pensée (et ses failles) se révèle. A. Solomon a beau être très intelligent, il est totalement aveugle au monde des idées et des qualités morales, aveugle à leur réalité comme à leur puissance.

Autre citation (assez classique celle-là) : "Lorsqu'on est en état de dépression, toute entreprise, toute émotion, la vie elle-même perdent totalement leur sens."

Cette phrase-là est difficilement contestable, et elle exprime une idée qu'on retrouve un peu partout. Mais que suggère-t-elle ?...

Elle suggère que la dépression est la cause d'une perte de sens.

ça peut avoir l'air évident, ça peut avoir l'air vrai, mais... de mon point de vue du moins... c'est le contraire qui est vrai. Le contraire, c'est-à-dire que c'est la perte de sens qui est à l'origine de la dépression.

Andrew Solomon inverse cause et conséquence : il prend la dépression pour la cause (de la perte de sens, de courage, etc.) alors qu'elle n'en est que la conséquence.

Il n'y a d'ailleurs pas que lui qui fasse cette erreur ; c'est même l'un des malentendus les plus répandus à propos de la dépression.

Ainsi on accuse parfois la dépression d'être à l'origine d'idées noires... alors que ce sont les idées noires qui sont à l'origine de la dépression.

Imaginez qu'on décrive "la faim dans le monde" en disant que non seulement elle rend les gens squelettiques et finit par les tuer, mais qu'elle est aussi la cause d'un terrible manque de nourriture dans la population mondiale : est-ce que ça ferait avancer le chmilbick ? Pas vraiment.

Quand on inverse cause et conséquence, on met son esprit sur des rails qui partent dans la mauvaise direction. Promue au rang de cause, la conséquence prend des proportions nouvelles, telle une grenouille qui aurait réussi à se dilater suffisamment pour se faire passer pour un boeuf : elle cesse d'être un désagrément logique pour devenir une entité mystérieuse et toute-puissante.

C'est ce qui arrive à la dépression vue par A. Solomon.

Lorsque j'en aurai lu davantage, j'en dirai davantage.

[Je classe dès maintenant "Le Diable Intérieur" dans les livres déconseillés : un livre sur la dépression écrit par qqn qui y est encore ne peut pas faire de bien au moral. Même s'il peut donner l'impression fugitive qu'on est "compris", qu'on est "pas tout seul"... au long terme, ça enfonce plus qu'autre chose.]

5 commentaires:

  1. Ah super que vous ayez acheté ce livre Lucia!
    Pour ma part je ne l'ais pas mais les quelques extraits lus sur le web m'ont assez cassé comme cela.
    Que pensez-vous de livres tels que celui-ci qui peuvent faire sombrer leurs lecteurs ? N'est-ce pas purement et simplement une honte que des bombes destructrices comme celle-ci soient en vente libre dans le commerce et à la portée de toutes les mains, ces écrivains ne mériteraient-ils pas la chaise électrique ??!! Ne devraient-ils pas mourir de leur mal-être autrement que par le suicide... ? Ne devrait-on pas les y aider... ? Des millons engendrés sur le dos de personnes fragilisées... Quel triste fait...
    Certains de ses écrits résonnent encore dans ma tête après les avoir lu il y a pourtant 2-3 mois. Mes 1ères pensées matinales vont vers cet homme et ses écrits... Un sentiment de haine vis à vis de lui m'emporte parfois... Bien évidemment personne ne m'a poussé à les lire mais le hic c'est que je ne me doutais pas qu'ils allaient me faire autant souffrir suite à leur lecture...
    Maintenant comme vous le dites si bien Lucia, le problème n'est pas forcément de lire des livres tels que celui-ci mais plutôt d'y adhérer, la lutte commence ici, à savoir quelle route choisir...
    Merci M. Solomon, merci de m'avoir montré quel chemin ne pas prendre...

    Julien

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  2. Heu la chaise électrique peut-être pas !... Mais c'est vrai que "Le diable intérieur" est (à mon avis) très très néfaste : le seul intérêt, c'est comme vous dites qu'il montre la direction à ne surtout pas suivre.

    Beaucoup de livres ont ce genre d'effet corrosif sur le moral ; la responsabilité des auteurs est réelle, même si eux-mêmes la nient ou la minimisent.

    Et je comprends assez bien - après avoir lu 1 quart du livre - que vous ayez une espèce de haine contre son auteur.

    Ceci dit, le mieux c'est encore de lire de bons livres : on efface les idées des livres malsains et destructeurs par les idées des livres constructifs...

    Allez, hop : "Le succès selon Jack" de Jack Canfield ! C'est un pavé aussi, mais un pavé qui construit au lieu de détruire.

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  3. Même si je ne la partage pas (ah non,alors, pas du tout même!) , je n'en trouve pas moins intéressante et pertinente l'analyse faite de ce livre que j'évoquais il y a qq jour dans un comment.. Par contre, je dois avouer que j'ai été surprise, voire touchée par la réaction de Julien...
    Et, en gage de bonne foi (smile) je m'engage à lire "le succès selon Jack"
    (s'il est aussi vivifiant que le dale carnegie-découvert ici- merci!)

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  4. Oui, aussi vivifiant (avec un autre style et des idées complémentaires) que Dale Carnegie...

    Bonne lecture :-)

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  5. Bonjour Anonyme,
    Quel est donc votre avis sur le Diable Intérieur ?
    Pourquoi avez-vous été surprise voire touchée par ma réaction ?
    Je vais aussi me mettre à la recherche de ce fameux "Succès selon Jack"...
    A bientôt.

    Julien

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