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09 décembre 2007

Réviser son identité, ses projets


Conseils en "nous"

L'identité ouvre la route des projets ; les projets bornent l'identité. Ainsi, être un intellectuel, c'est se lancer dans des projets d'intellectuels ; être un artiste, c'est nourrir des projets d'artiste… et cetera.

Lorsque notre identité s'amollit et s'enroule en volutes incertaines, nos ambitions le font aussi, points d'interrogation qui flottent un peu au dessus du sol. Réciproquement, lorsque nos objectifs sont flous, l'image dans le miroir le devient : dans cet embrouillamini de lignes, laquelle cerne notre visage ?

Alors examinons nos objectifs : sont-ils des projets désirables et réalisables, ou de simples rêves ?

Ombres charmantes et narquoises qui nous narguent en riant, de derrière les boucles blondes qui dissimulent leurs visages de ténèbres, ils nous lancent : " Rattrape-moi si tu peux… " Mais nous ne pourrons pas, et nous ne découvrirons pas qu'ils ne sont rien qu'un peu de vent, qu'un peu de sang, même si nous courons très vite, et c'est précisément ça, le projet… (Pas le nôtre, mais celui auquel nous participons sans le savoir, pauvres moyens d'une fin qui nous dépasse et que nous ignorons).

Alors examinons notre identité : est-elle construite sur du roc ou sur du sable, sur du sable ou sur des sables mouvants ?... Sommes-nous du genre à croire à qu'il n'y a que " la souffrance qui soit réelle ", à surestimer le sang et les larmes, à sous-estimer l'eau et le lait, la citronnade ?... Sommes-nous du genre à nous déchirer à des émotions insoutenables et indicibles, à chercher ce qui fait mal ?...

Raisonnement implicite : puisque tout est faux, la seule chose qui soit réelle, c'est cette absence, ce trou, ce manque, la trace en creux que la vérité a laissé en partant, dans le sable, cette dépression que l'eau salée remplit à chaque marée : baïne de larmes. Mais ce n'est pas comme cela qu'il faut raisonner, ou alors c'est en enfer qu'on finira, entre une bouteille de sexe et un hôpital, entre l'absence d'être et l'absence d'avoir, entre le suicide et le suicide, entre la douleur et le vide.

Conseils en "tu"

Puisque tout est faux, c'est que la vérité est ailleurs ; cherche-la ici, cherche-la là-bas, cherche-la encore.

La mélancolie n'a jamais sauvé personne ; c'est le courage qui en est capable. Les murs invisibles sont à briser, alors ne reste pas dans cette cage d'escalier à demander de l'aide en serbo-croate à des espagnols, à supplier avec insistance : " Aidez-moi, mais ne m'aidez pas… ", à te tatouer des S.O.S cryptés au milieu du dos, à réclamer ce que tu refuses. Cette main qu'on te tend, ne crache pas dessus en pleurant ; n'insulte pas ceux qui essayent : ton désespoir n'est pas une autorisation ; ta souffrance ne te permet pas.

Identique à son cœur, le dragon anesthésié flotte encore entre deux eaux, mais qu'importe ?...

La souffrance n'est réelle que parce qu'elle est langage ; traduis-la en français et ses cris, ses sanglots te diront simplement ce qu'ils ont à te dire : " Je suis perdu… Je ne sais pas ce que je dois faire, je ne sais pas ce qui est bien, je ne sais pas ce qui est mal, je me sens mort à l'intérieur… "

Ne t'imagine surtout pas que c'est ta mauvaise direction qui te rend intéressant(e), ou que ton attirail gothique, ton cortège de démons te donnent un cachet particulier, car rien n'est plus faux. Le nihilisme ricanant qui te charme n'a aucun charme, vraiment - et ce futur en mur de briques que tu contemples avec un secret désir ne te réserve rien de plus que des briques.

Ne laisse pas le piano émotionnel te dicter sa polka, car c'est vers le gouffre qu'il t'entraîne à danser.

La vérité est simple, presque banale quoiqu'étonnante ; tu l'as déjà repoussée d'un haussement d'épaule : " Je sais, je sais… ", mais non, tu ne sais pas : si tu savais tu n'en serais pas là. Écoute enfin l'autre voix, car il n'y a d'issue que pour ceux qui écoutent, ceux qui comprennent et apprennent, ceux qui raisonnent et deviennent.

05 novembre 2007

Déprime ou dépression ?

"Grosse déprime ou petite dépression ?..." Telle est la question qu'on met en avant sur certains sites gouvernementaux ou médicaux, comme si elle était vitale.

Effectivement, elle s'impose avec la même urgence que cette autre question (qu'on ne se pose pas à moins d'avoir de sérieux problèmes de vue) : "gros chat ou petit tigre ?..." Car si c'est un gros chat on peut lui gratter la tête pour qu'il ronronne, alors que si c'est un petit tigre il faut décamper tout de suite.

La déprime n'est… pff… la déprime n'est rien de sérieux. On nous l'explique dans les magazines, les sites officiels, les livres spécialisés : "attention, attention !... Il ne faut surtout pas confondre la déprime et la dépression, non, non, ça n'a rien à voir. La première est banale, normale, la seconde est une maladie qu'il faut soigner[1]."

De même que les dettes de consommation n'ont rien de commun avec le surendettement… (C'est du moins ce que nous serinent les jolis magazines polychromes que des organismes de crédit qui ne veulent que notre bien nous envoient par la poste, lorsqu'on a eu la bêtise de faire une fois appel à leur service.)

Déprime ou dépression ? Une espèce de dérision un peu fourbe se cache derrière cette question soi-disant vitale… Une petite histoire, rigoureusement pas historique, la mettra au jour.

C'était un pays sauvage où n'habitaient encore que quelques tribus… Des gens pacifiques qui péchaient le poisson…

Un jour, un bateau chargé de conquérants arrogants et rusés débarqua sur la côte. Ils décrétèrent que tout le pays leur appartenait, et que quiconque y poserait les pieds devraient payer l'impôt en poissons, en travail gratuit, et en relation sexuelle pour les femmes. Les habitants se refugièrent alors dans les arbres (de grands cocotiers), mais souvent, ils étaient obligés de mettre pied à terre - et dans ce cas ils devaient payer. N'ayant ni les stratégies ni les technologies nécessaires pour organiser leur résistance, ils n'avaient pas vraiment le choix...

La déprime, c'est les cocotiers ; la dépression, c'est le sol. Tant que vous n'êtes que déprimé, tout va bien pour vous, vous êtes normal, vous faites ce que vous voulez - mais si vous posez un orteil par terre, c'est fini : vous n'êtes plus chez vous, vous êtes chez eux. La dépression est le territoire des conquérants ; c'est leur royaume, leur pays ; lorsque vous y mettez les pieds, il faut faire ce qu'ils vous disent de faire.

Il n'y a aucune différence réelle entre une grosse déprime et une petite dépression, c'est juste deux manières différentes de dire exactement la même chose - mais comme la dépression a été accaparée par des colons déterminés et intelligents face auxquels les indigènes du cru ne font pas le poids, avant de descendre de son arbre mieux vaut y réfléchir à deux fois.

C'est pourquoi, si je devais choisir entre les eux, je préfèrerais avoir une énorme, une monumentale déprime plutôt que la plus riquiqui des dépressions, car en cas de déprime, on reste libre de s'occuper de soi comme on l'entend, alors qu'en cas de dépression, il y a qu'une seule route, une autoroute avec péage, et malheur à qui s'en écarte, car il est maudit.

"Vous prendrez trois cachets d'effexor tous les soirs… et si ça ne suffit pas, on augmentera les doses. Les effets secondaires ?... Quels effets secondaires ?... Ne vous occupez pas de ça, ça ne vous regarde pas."

"Vous ne voulez pas prendre de cachets ?... Vous ne voulez pas voir un psy ?... Alors, ne venez pas vous plaindre, car au fond, vous ne voulez pas aller mieux ! Vous vous complaisez dans votre malheur, et puisque vous ne voulez rien faire pour vous, on ne peut rien faire pour vous. Allez, dégage, ton malheur on s'en fout !"


[1] Dans ce contexte, « soigner » signifie : aller voir un psy et prendre des cachets.

Les différentes sortes de dépression

Lorsqu’on s’intéresse, soit parce qu’on est dépressif soit parce qu’on l’a été, à la dépression, on découvre avec un intérêt certain que plusieurs types de dépressions ont été « individualisés »[1] (individualisé est un synonyme d’identifié, à cette différence prêt qu’individualisé est nettement moins clair…).

Il y aurait deux types de dépression : la dépression névrotique et la dépression psychotique. La dépression névrotique est moins grave que la psychotique, qui se caractérise par une perte de contact avec le réel et l’apparition d’idées délirantes.

Autrement dit, il y a la petite dépression, et la grosse dépression.

Il y aurait encore deux autres types de dépression : la dépression psychogène et la dépression endogène. La première est liée à l’histoire psychologique de la personne, tandis que la seconde (l’endogène) est « supposée imputable à des facteurs biologiques. »

Autrement dit, il y a la dépression dont on connaît plus ou moins l’origine (le lourd passé du dépressif) et la dépression inexplicable, qu’on imagine donc causée par des facteurs biologiques inconnus qui ne peuvent pas protester en disant « non, ce n’est pas nous ! », puisqu’ils restent anonymes.

Enfin, il y a la dépression réactionnelle et la dépression autonome : la première arrive lorsqu’on a une bonne raison de perdre le moral, la seconde surgit de manière attendue, sans « facteur déclenchant précis ».

Résumons.

Il y a la petite dépression et la grosse dépression ; la dépression qui s’explique par un lourd passé et la dépression qui ne s’explique pas ; la dépression qui s’explique par un grand malheur et la dépression qui ne s’explique pas. Ce qui nous fait deux dépressions inexplicables : l’endogène et l’autonome.

Et maintenant, méditons sur l’intérêt de ce classement en le transposant dans un autre domaine…

Il y a les petits chats et les gros chats ; il y a les chats dont on connaît l’origine (ceux qui viennent d’un refuge et ceux qui sont vendus par leur propriétaire) et les chats errants dont nul ne sait d’où ils viennent. Ce classement nous aide-t-il à soigner un chat ?...


[1] http://www.etat-depressif.com/depression/definition/introduction.htm

03 novembre 2007

Credo, faits, interprétations

Les médicaments aident à surmonter une dépression… Les médicaments sont utiles, nécessaires, bénéfiques. Heureusement qu’ils existent !

Ça, c’est une affirmation à laquelle des milliers, voire des millions de personnes, adhèrent, parce qu’ils ont besoin d’y croire pour se rassurer, pour ne pas se décourager, pour conserver vivante la flamme palpitante de l’espoir. Un credo salvateur qu’ils se refusent à égratigner du moindre doute ; un dogme.

Près de 90% des femmes et 60% des hommes suicidés prenaient des psychotropes durant les six mois précédant l'acte. La corrélation est encore plus marquée à moins d'un mois du passage à l'acte[1].

Le risque de tentatives de suicide est supérieur chez les personnes qui prennent un antidépresseur que chez ceux qui s’en abstiennent.[2]

Ça, ce sont des faits. Des faits bêtes et brutaux qui, comme tous les faits, se prêtent à de multiples interprétations… Trois au moins sont possibles.

1/La prise massives de psychotropes et les prises d’antidépresseur sont un signal annonciateur, le grondement avant l’orage : on prend des psychotropes à la louche parce qu’on va mal, qu’on est terriblement suicidaire, et au final… on se suicide. C’est ce qu’explique un article : les ordonnances surchargées (psychotropes et antidépresseurs) « constituent des signaux d'alerte. » Ainsi, tout médecin « amené à augmenter la prescription d'un patient » devrait considérer cette prescription accrue comme un signe alarmant.[3] La lourde prescription donnée par le médecin est un signal avant-coureur de la tentative de suicide qui approche, de même que la pâleur peut être le signe avant-coureur d’un évanouissement, sans en être la cause…

Cette logique-là n’est pas neuve.

Ainsi, les médecins du dix-septième siècle avaient déjà constaté une « corrélation » entre le nombre de saignées et le décès du patient ; eux aussi en ont déduit que les saignées constituaient des « signaux d’alerte » : le malade va tellement mal, qu’on doit le saigner à répétition. Au final, malgré tous les efforts des médecins, il décède. Logique : il était malade. Si malade qu’on a du le saigner quinze fois. Et il est mort, malgré les litres de sang malsain qu’on lui a ôté du corps… Un autre patient, qu’on aura moins soigné parce qu’il était moins malade, survivra alors que celui-ci est mort. Que faut-il en déduire ?... Pas que les saignées massives augmentent les risques de mortalité, non ; seulement que lorsqu’on va très mal, les médecins vous soigne énergiquement par de nombreuses saignées. Les saignées à répétition sont ainsi un signe parmi d’autres, une espèce d’avertissement que l’on est en danger de mort.

En usant de la même logique bien rôdée, on peut réfléchir à la corrélation qui unit le coup de poing dans l’œil et l’œil au beurre noir... Il est indiscutable que les deux sont liés, car on constate que 99% des personnes qui prennent un coup de poing dans l’œil développent un hématome bleu-vert sur le même œil dans les heures qui suivent l’agression : le coup de poing dans l’œil est le signe avant-coureur d’un coquard qui va bientôt se former. Pour éviter l’hématome, la solution consiste donc non pas à éviter les bagarres et les disputes avec des supporters imbibés de bière (ça ne servirait strictement à rien, puisque le coup de poing n’est qu’un signal, un peu comme le tout premier symptôme du coquard), mais à se précipiter sur une poche de glace dès qu’on a encaissé le choc.

2/La seconde interprétation des faits consisterait à dire que les antidépresseurs et psychotropes sont des « facteurs déclenchant » de suicide.

Mais au fait, pourrait-on se demander, un « facteur déclenchant », qu’est-ce donc, en définitive ?...

Voici la conclusion à laquelle on parvient après des recherches approfondies : un facteur déclenchant, c’est un certain je-ne-sais-quoi qui se situe entre la cause et le pas-grand-chose. Le facteur déclenchant est une cause dans la mesure où il déclenche, mais dans la mesure où il n’est qu’un facteur déclenchant, ce n’est pas grand chose.

S’il avait été convoqué devant un tribunal, l’homme qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima aurait pu arguer à juste titre qu’il avait seulement fait office de « facteur déclenchant » : après tout, il a seulement appuyé sur un bouton…

3/La troisième interprétation des faits consisterait à dire que les antidépresseurs et psychotropes sont à ranger parmi les causes de suicide – causes secondaires comparées à d’autres facteurs plus déterminants, mais causes quand même.

C’est alors qu’une voix se fait entendre :

« Pas du tout !... Car si vraiment ces médicaments avaient cet effet-là, ils l’auraient aussi dans d’autres pays… Au Maroc, la prise de psychotrope ne rend pas plus suicidaire, elle rend seulement plus violent et plus meurtrier ! »

Il semblerait effectivement que les psychotropes ne rendent pas systématiquement plus suicidaires : en fait, tout ce qu’ils font, c’est qu’ils multiplient ce qu’on est déjà.

Les suicidaires se retrouvent ainsi plus suicidaires… Les violents plus violents… Et les personnes équilibrées et heureuses deviennent encore plus équilibrées et heureuses. Enfin, du moins, c’est ce qu’on peut supposer – mais jusqu’à présent, aucune personne équilibrée et heureuse n’a accepté de servir de cobaye pour qu’on puisse vérifier cette intéressante hypothèse. Dommage.



[1] http://www.e-sante.be/be/magazine_sante/accidents/suicide_surconsommation_soins-5403-967-art.htm

[2] Information trouvée sur : http://www.pharmacorama.com/ezine/Antidepresseurs-risque-suicide.php

[3] http://www.e-sante.be/be/magazine_sante/accidents/suicide_surconsommation_soins-5403-967-art.htm

21 octobre 2007

Un diagnostic accablant

On peut aussi se sentir accablé par le diagnostic.

Le mot décisif et redouté que le psychiatre laisse tomber sur nous nous écrase comme une condamnation définitive : "La cour déclare l'accusé psychotique !" Car même si l'énoncé n'est pas aussi solennel, et que le tribunal n'est qu'un cabinet médical, la sentence résonne à nos oreilles comme une condamnation à perpétuité.

C'est comme si brusquement, nous sortions de l'humanité ordinaire et normale pour entrer dans un zoo sinistre où les animaux seraient des fous ligotés, des fous qui bavent, des fous qui hurlent, des fous qui grognent… Image mentale fabriquée à partir de mauvais films qu'on a vus, image où il faudra désormais se trouver une place.

Chaque étiquette qu'on nous colle, chaque épithète dont nous affuble, est un univers où notre imagination nous projette bon gré mal gré, un costume que notre imagination nous fait endosser que cela nous plaise ou non, du moins jusqu'à ce que nous découvrions une preuve décisive que ce costume n'est pas le nôtre, qu'il ne nous appartient pas…

Qu'on dise à un enfant qu'il a "des yeux intelligents", et il ira scruter dans son miroir l'écho de cette intelligence qu'on lui a révélée, et à laquelle il se met déjà à croire. Ses résultats scolaires s'améliorent, il prend confiance en lui - et cette métamorphose miraculeuse, c'est un simple mot qui l'a déclenchée.

Inversement, qu'on dise à ce même enfant qu'il est taré ou qu'il est fou, et son imagination fertile lui fera immédiatement enfiler une camisole de force. Cette image mentale est une graine plantée dans son esprit ; avec le temps, si aucun message explicite ne vient l'en arracher, elle germera et deviendra visible…

Les adultes, comme les enfants, sont très suggestibles. Lorsqu'un psychiatre nous diagnostique, il nous suggestionne. Notre petit ego, parfois déjà très ratatiné, doit faire avec une nouvelle définition, pas particulièrement réjouissante, de lui-même. Il étouffait déjà entre quatre murs (car s'il était en pleine forme, nous ne serions pas dans le cabinet du psychiatre mais ailleurs, en train de travailler à réaliser nos rêves, à concrétiser nos projets), le voici maintenant enfermé entre quatre murs encore plus étroits : ceux d’une cellule capitonnée.

Certes, pour l’instant, il ne s’agit que de notre imagination, que d’une image qui nous traverse l’esprit. C’est nous qui ensuite, déciderons si nous devons accepter ou refuser le diagnostic, rejoindre la malheureuse communauté des psychotiques/névrotiques/schizophrènes, etc., ou considérer plutôt que, sur nous, cette étiquette n’a pas plus de pertinence que l’étiquette Vieux clous rouillés collée par une main inconnue sur un pot de confiture à la fraise, confiture un peu moisie en surface mais tout à fait comestible en dessous, et où, même en cherchant bien, on ne trouve aucun clou.

Car on peut reconnaître que l’on a un problème psychologique, et refuser le nom qu’un psychiatre a décidé de lui donner - comme on peut aussi laisser aux éboueurs le cadeau que nous a fait notre grand-tante pour Noël, même si une certaine culpabilité rend cet abandon difficile, quand le cadeau en question est un immonde cochon en porcelaine de près d’un mètre au groin retroussé par une hilarité malsaine, à poser dans l’entrée, notre entrée, pour faire joli.

On le peut, car lorsqu'un psychiatre nous annonce que nous sommes schizophrène, dépressif, bipolaire, hystérique… (barrer les mentions inutiles), il ne nous annonce pas l'équivalent d'une tumeur cancéreuse.

Dans le cas d’une tumeur cancéreuse, il faut à tout prix accepter le diagnostic pour pouvoir se soigner. Dans le cas d’une maladie mentale, par contre, il n’y a pas, en l’état actuel des choses, de vérité objective et scientifique qu’il faudrait à tout prix admettre pour être en mesure d’avancer vers la guérison, la solution.

Les noms des maladies mentales ne sont pas l’équivalent des noms des maladies physiques : lorsqu’un médecin révèle à un malade qu’il a un diabète, il lui donne véritablement la clef de son mal-être, l’explication ultime de ses symptômes physiques. Quelqu’un qui refuserait de croire à ce diagnostic (s’il est approprié), serait en bien mauvaise posture…

A la différence des noms des maladies physiques, qui sont des clefs, les noms des maladies mentales sont des sacs.

Quand on les déplie, on n’y trouve aucune explication, aucune cause finale : seulement un tas de symptômes hétérogènes rassemblés presque au hasard. Et de même que pour transformer une recette de tarte aux pommes en recette de tartes aux prunes il suffit de changer quelques ingrédients, de même pour changer une dépression en trouble bipolaire, il suffit d’ôter ou d’ajouter quelques symptômes.

Alors au nom de quoi devrions-nous accepter cette étiquette, si elle nous répugne ?...

20 octobre 2007

Un diagnostic rassurant


On peut se sentir très soulagé d'être diagnostiqué.

Ce problème sans nom qui nous bouffait la vie est démasqué : le voici tout nu, en pleine lumière, sous les feux des projecteurs, tels un animal qui a grignoté notre sommeil jusqu'à l'insomnie pendant des nuits, dans l'anonymat de l’obscurité, jusqu'à ce qu’on arrive enfin à le confondre dans la clarté aveuglante de notre lampe torche… Et l’infernal perturbateur n’est au final qu’une petite souris, au pire un gros rat !...

Cette petite souris ou ce gros rat, c’est la maladie dont le psychiatre nous révèle le nom : dépression, trouble bipolaire, schizophrénie, etc.

Certes, sa sonorité hirsute ne lui donne pas l’air bien sympathique – mais pas plus que ce gros rat chauve aux yeux rouge échappé des égouts que notre lampe éblouit.

Soulagement : notre mal-être ignoré, nié, repoussé par nos proches d’un « secoue-toi, ça ira mieux… » est enfin pris au sérieux. Il existe ; un spécialiste peut en témoigner ; un spécialiste l’a reconnu : ce n’est pas un yéti mythique, ni un dahu de canular, c’est une bête qui existe bel et bien, un mammifère répertorié dans tous les traités de biologie !

Si nous sommes si fatigué, si triste, si anxieux, si perturbé, ce n’est pas parce que nous ne « faisons pas d’efforts » ou que « nous manquons de volonté », c’est au contraire pour une raison tout à fait valable, une raison médicale, scientifique, objective, indiscutable !

Et nos proches seront bien obligés de l'admettre, maintenant que nous en avons la preuve...

Le plus rassurant dans l'histoire, c'est que le mal-être contre lequel on bataillait seul(e) va maintenant être combattu par un commando spécial de guérilleros super-entraînés… des professionnels qui savent ce qu’ils font, qui maîtrisent toutes les techniques de combat rapproché, alors que nous, avec nos petits poings ramollis et nos larmes, on ne faisait pas le poids.

Ce bataillon comporte :

- la science médicale (c’est le chef) ;

- le psychiatre (c’est celui qui est juste en dessous du chef) ;

- les cachets (ce sont les hommes).

Nous le sentons, nous le pressentons, nous en avons la quasi-certitude : ça y est, nous sommes arrivés à bon port, il va nous suffire d’obéir docilement à toutes les prescriptions qu’on nous donnera et nous serons sauvés… La joie de vivre nous attend de l’autre côté d’un traitement, elle nous sourit, elle nous fait signe, elle nous encourage à la rejoindre…

18 octobre 2007

Trois genres de victime

Il y a au moins trois types de victime.

1/La « victime » qui se prend pour une… on est tous plus ou moins dans ce cas-là, à s’imaginer commodément que tous nos malheurs sont « la faute de… » (la société, le capitalisme, les autres, les jeunes, les vieux, les voisins, nos parents, nos enfants, notre conjoint, Paul, Henri, Gwendoline, Josépha, etc.)

2/La victime qui en est réellement une, qui sait qu'elle en est une, et qui veut cesser d’en être une : elle a identifié son persécuteur en tant que tel et ne compte pas en rester là. Elle veut faire quelque chose pour rétablir l’équilibre de la balance. C’est le cas par exemple de ce voyageur à qui on a servi dans un avion un café empoisonné qui lui a perforé l’estomac, et qui a fait un procès à la compagnie aérienne.

3/La victime qui ne sait pas qu'elle en est une, qui a une image complètement idéalisée de son bourreau qu’elle idolâtre, et qui est persuadée que tous les sévices que celui-ci lui fait subir sont « pour son bien ». C’est le cas dans certaines sectes, où les adeptes vénèrent le gourou qui les maltraitent.

Dans le premier cas, la solution est de se concentrer sur sa part de responsabilité : même si elle nous paraît négligeable, elle existe – et se focaliser sur elle est la seule manière de reprendre le contrôle de son existence. En effet, se prélasser dans le rôle de victime présente certains petits bénéfices égotiques immédiats, mais est terriblement destructeur au long terme. En effet l’identité de victime est une impasse morbide : en tant que telle, une victime ne peut rien réaliser, rien accomplir – elle peut juste s’affaisser au sol en se vidant de son sang, en lançant sur son meurtrier un dernier regard accusateur… Joli rôle sur un théâtre, mais frustrant au possible dans la vraie vie.

Dans le deuxième cas, les victimes conscientes de l’être ressentent une profonde envie de se venger.

Certaines, imbibées du « tendre la joue gauche » du catéchisme de leur enfance, jugent cette envie si malsaine, si immorale, si répréhensible qu’elles s'imaginent qu'elles ont basculé du côté obscur de la force et qu'elles sont devenues méchantes... Cette croyance erronée peut les entraîner à faire par la suite des choix (de mauvais choix) qui reflèteront et confirmeront cette idée. En effet on a tous tendance à aligner nos actes sur notre image de nous-mêmes : se croire intrinsèquement et irrémédiablement mauvais, c’est se préparer à mal faire.

Dans ce cas, il faut se débarrasser de ses fausses conceptions, nettoyer ses lunettes mentales : la vengeance n'est pas moralement condamnable en elle-même. En fait, l'envie de se venger n'a rien de mauvais ni de pervers, et on aurait tort de se prendre pour Satan parce qu'on la ressent. Elle est naturelle, et correspond à un besoin de justice : se venger, c'est rétablir un équilibre, se faire rembourser une dette, rééquilibrer les plateaux de la balance. Avoir envie que celui qui a fait du mal, paye, avoir envie de se venger, c'est normal, c’est naturel : ce n’est peut-être pas saint, mais c’est tout à fait sain. Dans certaines circonstances, la vengeance est même parfaitement légitime - par exemple, lorsqu’elle est le seul moyen de dissuader le coupable de recommencer ses méfaits sur quelqu'un d'autre.

Ce qui, bien sûr, n’implique pas que l’on ait le droit de se venger n'importe comment de n'importe quoi. Il y a une différence entre l'erreur et le crime, entre le coupable qui se repent et celui qui n'a aucun remord - et dans tous le cas, il est infiniment préférable de laisser la justice faire le boulot...

Dans l’idéal, il serait souhaitable de combiner le jugement officiel de la justice avec la pratique plus intime du pardon… car ainsi on évite les ulcères d’estomac et d’autres maladies plus graves causées par la rancune : pardonner est excellent pour la santé.

La troisième catégorie est constituée par les victimes qui ne savent pas qu'elles en sont.

Un exemple de plus : les victimes du docteur Josef Mengele, pervers de génie, continuaient trente ans plus tard à le voir comme un "bon papa". Il a su les torturer en s'en faisant aimer. Du grand art.

Tant que la victime voit son bourreau comme un être bon et aimant, elle n'a pas conscience de sa réalité de victime, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en souffre pas, tout au contraire... Dans ce dernier cas, ce qui va être libérateur, c'est de prendre conscience que l'être idéalisé que l’on vénérait n'est pas ce que l'on imaginait : le prince est en réalité un vilain crapaud… un gros salaud.

NORMOSE

Qui est atteint de normose ?...

Les gens qui sont profondément convaincus d’être normaux et de le rester quoiqu’il arrive ne sont pas atteints ; les gens qui sont profondément convaincus d’être définitivement hors normes ne sont pas atteints non plus ; par contre, tous les gens qui veulent être normaux, qui font des efforts pour être normaux, qui s’angoissent à l’idée de ne pas être normaux, qui insistent pour qu’on les rassure en leur disant qu’ils sont normaux… souffrent de normose.

Cette maladie, ils l’ont attrapé dans leur famille ou dans un groupe. Peut-être qu’on s’est moqué d’eux quand ils étaient petits ; peut-être qu’on leur a dit d’un ton méprisant : « t’es pas normal, mon pauvre !… » Toujours est-il que maintenant, ils souffrent de normose.

Mais est-ce vraiment une maladie, m’objecterez-vous peut-être ?...

Oui, car en se prosternant devant la norme-idole, ils renoncent en tremblant à leur individualité propre, à leur personnalité, à leur vérité. Ils sacrifient sur l’autel d’une divinité bidon (la norme) leur propre force, leur propre caractère.

Chaque être humain est unique, dit-on souvent ; et parfois, cette phrase ne ressemble qu’à un cliché vide de sens… surtout quand on voit défiler dans la rues des clones d’imitations de chanteurs formatés, aseptisés, portant tous les mêmes jeans, les mêmes pantalons affaissés, la même dégaine artificiellement farouche. Et pourtant, c’est vrai : chaque être humain est unique, et ses empreintes digitales ne sont semblables à aucunes autres. Mais cette individualité, la majorité des gens cherchent à la gommer : on préfère être « comme tout le monde » qu’être soi-même. Le problème, c’est que tout le monde n’existe pas, tout le monde n’est qu’un concept… alors on renonce à la réalité, à sa réalité, à soi-même, pour un pauvre rêve, une hallucination collective dénuée de toute valeur : normose…

Si encore l’être humain était destiné à cela ! Si c’était sa vraie nature, de n’être rien qu’une ombre tremblante cherchant à s’effacer parmi d’autres ombres tout aussi insignifiantes… mais non, pas du tout. L’être humain a tant de richesses, tant de forces dont il peut faire usage s’il le décide ; il est capable d’escalader des Everest visibles et invisibles, d’ouvrir de nouveaux chemins dans des jungles encore sauvages, de bâtir des civilisations dans des déserts métaphysiques et physiques où il n’y avait rien avant lui… Alors pourquoi renie-t-il sa vraie nature pour se rabaisser au niveau de l’ovin timide et grégaire, du petit mouton qui fait « bêêêê » ? Mystère. Normose…

Peut-être que l’explication ultime de cette maladie avilissante se niche dans les ambiguïtés du mot normal.

Car ce mot-là est une boîte à double-fond, un véritable piège à rats.

D’un côté, normal signifie « naturel, sain, équilibré, raisonnable, bien ». D’un autre, normal signifie « dans la norme, comme tout le monde, sans signe distinctif particulier, ordinaire, commun, courant ».

Autrement dit, le mot normal est l’équivalent d’une phrase : « ce que tout le monde pense, dit ou fait est naturel et raisonnable. » Dogme implicite et dictatorial sournoisement caché derrière un mot apparemment simple, transparent…

Dès qu’on apprend à parler français, on apprend donc que se distinguer, se différencier des autres, penser, parler ou agir autrement qu’ils ne le font, c’est sortir de la saine nature, dévier.

Pourtant, à une certaine époque, tout le monde croyait que la terre était plate ; en d’autres temps, tout le monde pensait que les souris naissaient du blé par génération spontanée ; en d’autres temps encore, tout le monde considérait Staline comme le bienfaiteur de l’humanité… Mais ces prises de conscience tardives qui ont lieu en cours d’Histoire ne suffisent pas à déconditionner l’esprit précocement modelé par l’apprentissage de sa langue maternelle. Et c’est ainsi qu’on attrape la normose tout petit, au détour d’un mot, et qu’ensuite on garde le virus…

17 octobre 2007

« Suis-je schizophrène ? »

Lorsqu’on se pose cette question c’est qu’on espère que la réponse nous permettra de mieux comprendre pourquoi on se sent ainsi, pourquoi on se comporte ainsi. Mais encore faut-il que ce mot-là (schizophrène) ait pour nous un sens plus précis que « pas normal, fou sur les bords ». Car après tout, on le sait déjà, qu’on n’est pas tout à fait normal… Ce qu’on veut, c’est un supplément d’information, pour savoir un peu mieux qui nous sommes et ce que nous sommes.

Une petite enquête s’impose…

Une petite enquête sur la schizophrénie telle qu’on la définit aujourd’hui ne suffirait pas ; il faut creuser sous la croûte, explorer les profondeurs. L’explication complète, éclairante, se trouve presque toujours en amont, à la source, là où tout a commencé.

Flash-back.

Avant 1917, il n’y avait pas de schizophrènes… ou seulement des schizophrènes qui ignoraient qu’ils l’étaient : pour l’instant on ne peut choisir entre ces deux éventualités.

Que s’est-il passé en 1917 ? a-t-on fait une découverte scientifique qui a permis d’identifier une nouvelle maladie ?... Du tout.

En 1917, Eugen Bleurer, un psychiatre zurichois ayant un don incontestable pour la néologie, forgea le mot schizophrénie à partir des mots grecs skhizein (séparer, partager, diviser) et phrên, phrenos (esprit). Le mot, qui s’appliquait d’abord à une psychose caractérisée par une désagrégation psychique, la perte du contact avec la réalité et divers troubles, s’est ensuite appliqué très largement à toutes les formes de psychose… (Je résume le dictionnaire[1].)

Lorsqu’on définit un cheval comme un « mammifère avec des sabots », le cœur de la définition est « mammifère ». Même si on comprend très bien ce que sont des sabots, si on ne sait pas ce qu’est un mammifère, on n’a absolument rien compris à ce qu’est un cheval. C’est « mammifère » qui constitue la partie la plus essentielle de la définition de « cheval ».

De même, pour savoir ce qu’est la schizophrénie, on doit à tout prix comprendre ce qu’est une psychose, puisque la schizophrénie est un genre de psychose : continuons l’enquête.

Avant 1845, il n’y avait pas de psychose, ni de psychotiques… ou alors, il y avait seulement des psychoses ignorées et des psychotiques inconscients de leur état, au choix.

Que s’est-il passé en 1845 ? a-t-on fait une découverte scientifique qui a permis d’identifier une nouvelle maladie ?... Pas du tout.

En 1845, le docteur Ernst von Feuchtersleben, autrichien ayant lui aussi un don certain pour la néologie, inventa le terme psychosis à partir du grec psukho- et ôsis-, par opposition à névrose, qui existait déjà. Il baptisa de ce nom une maladie mentale grave dont le malade ne reconnaît pas le caractère morbide[2].

Autrement dit, il n’y a pas de psychotique conscient de son état… si vous croyez que vous êtes psychotique, vous n’êtes pas psychotique, puisque vous avez conscience que vous l’êtes !

À la question, « suis-je schizophrène ? », nous pouvons donc apporter dès maintenant un élément de réponse : si vous êtes sûr que vous êtes schizophrène, c’est que vous ne l’êtes pas.

Mais il reste encore un point à éclaircir : qu’est-ce qu’une maladie mentale ?... Lorsque nous aurons compris ce qu’est une maladie mentale, tout deviendra clair, puisque la schizophrénie est une psychose et que la psychose est une maladie mentale.

Poursuivons l’enquête.

Qu’est-ce donc qu’une maladie mentale ?... Une maladie mentale est, selon le dictionnaire, une psychose, une névrose, un trouble du comportement.

Patatra ! On est revenu au point de départ !... On cherchait l’explication ultime de la psychose, et voilà qu’on retombe sur la psychose… et la névrose qui apparaît ici en seconde position ne peut pas nous aider, puisque la psychose est tout à fait distincte de la névrose (on a vu que le mot psychose a été créé par opposition à névrose). Il ne nous reste plus qu’à nous rabattre sur le trouble du comportement.

Si nous comprenons ce qu’est réellement un trouble du comportement, nous comprendrons ce qu’est réellement une psychose, et si nous comprenons réellement ce qu’est une psychose, nous comprendrons ce qu’est réellement la schizophrénie. Courage, on est bientôt arrivé. C’est la dernière étape.

Ainsi donc, qu’est-ce qu’un trouble du comportement ?... pour le comportement, c’est facile : c’est la manière dont on se comporte, c’est-à-dire dont on agit, parle, etc. Quelque chose que l’on observe de l’extérieur. Quant au trouble, c’est un état de non-limpidité, de non-transparence. Lorsqu’on allie les deux mots, le sens de l’expression surgit : un trouble du comportement, c’est un comportement qui présente quelque chose de pas clair, d’incompréhensible, bref : de bizarre.

Et nous voici enfin rendu à bon port. Nous tenons enfin l’explication ultime. Au final, la schizophrénie, c’est un comportement qui n’est pas normal, et ça se voit. Alors si vous voulez savoir si vous êtes schizophrène, demandez aux gens s’ils vous trouvent bizarre. Si la réponse est « oui, t’es pas net », il est temps de vous inquiéter…

- Comment ?! Tout ça pour ça ?! On n’a pas avancé d’un pouce !... Je savais déjà que je ne suis pas normal… Allez ! Vous n’êtes pas sérieux… Je préfère demandez à mon psychiatre ; lui au moins il est compétent !

Tut, tut… Il n’y a pas de science psychiatrique occulte que les psychiatres garderaient jalousement pour eux et qui transcenderait les définitions du dictionnaire : les mots ont le sens qu’ils ont, et le dictionnaire reste fiable et égal à lui-même que l’on soit psychiatre ou déménageur, président de la république ou sans domicile fixe. Votre psychiatre vous dira plus ou moins la même chose que moi… mais le côté circulaire et insignifiant de son explication sera peut-être moins apparent.



[1] Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey.

[2] Ce qui est amusant dans cette définition, c’est qu’elle permet de qualifier de malade toute personne qui ne serait pas d’accord avec le diagnostic psychiatrique qu’on pose pour elle et qui oserait prétendre qu’elle est normale… commode, non ?

374 manières de ne pas être normal

Il devient de plus en plus difficile d’être normal.

Si vous êtes agité, vous n’êtes pas normal : vous êtes hyperactif, et c’est une maladie mentale. Et si vous n’êtes pas d’accord, si vous râlez, c’est encore plus grave : vous êtes paranoïaque. Si votre enfant a des problèmes de lecture, il n’est pas normal non plus : il souffre d’un trouble de l’apprentissage, le pauvre. Si vous êtes enthousiaste, mais pas tout le temps, vous n’êtes pas normal : vous êtes bipolaire. Et si vous croyez en Dieu, là non plus vous n’êtes pas normal : vous souffrez d’une des nouvelles maladies qui vient de sortir… elle a un nom que j’ai oublié, un nom mystérieux comme un titre de film d’espionnage.

Pour l’instant, il y a trois cent soixante quatorze manières de ne pas être normal, trois cent soixante quatorze troubles mentaux énumérés dans le manuel officiel des troubles mentaux (DSM-IV). Mais ce chiffre est en augmentation constante…

Pour être normal, il n’y aura bientôt plus que deux possibilités :

1/ être mort

2/ être psychiatre.

Dès que vous êtes mort, vous redevenez normal : un cadavre comme les autres, pas plus enthousiaste, hyperactif, paranoïaque, borderline, etc., que les autres. Dès que vous êtes psychiatre, vous redevenez normal aussi, car c’est vous qui décidez qui l’est et qui ne l’est pas. Et qui oserait prétendre que le juge est coupable ou que le psychiatre est fou ?

16 octobre 2007

Un des tentacules du problème

Vous vous sentez mal, vous n’avez plus goût à rien, vous ne voyez pas le but de tout ça ?... La solution, dit-on, serait de rétablir l’équilibre chimique de votre cerveau à l’aide de petits cachets : solution purement matérielle.

Et si la solution faisait partie du problème ?...

La phrase précédente peut paraître étrange. Comment la solution pourrait-elle bien faire partie du problème ?... Non seulement c’est paradoxal, mais c’est illogique.

Si la solution fait vraiment partie du problème… c’est que ce n’est pas vraiment la solution.

En principe et dans les meilleurs des cas, il n’y a pas de différence trop radicale entre l’apparence et la réalité. L’écorce de l’orange est indiscutablement de l’orange, tout comme sa pulpe et ses pépins : l’extérieur prolonge l’intérieur. De même, un naïf offre au monde un visage ouvert où ses pensées s’écrivent en gros caractères bien lisibles : lui aussi, comme l’orange, est tout d’une pièce, ou presque. On pourrait en dire autant du réveil (je parle du gros réveil d’antan, surmonté de deux cloches virulentes comme des oreilles de boxer, qui fait dring d’une voix stridente et désagréable pour dire : « C’est l’heure ! Tu dois te lever ! »), un objet quotidien dont l’apparence exprime parfaitement la réalité. Ici, nul divorce entre l’être et le paraître.

Mais il est d’autres situations et d’autres choses qui ne sont pas aussi honnêtes…

Il est des gâteaux appétissants qui ne sont que plastique ; des grains de maïs tout doux génétiquement modifiés ; de belles femmes sensuelles aux faux seins ; des promesses (électorales ou autre) que le vent éparpille ; des problèmes qui proposent eux-mêmes leur solution – et ce n’est pas la bonne.

Le problème ?... Vous vous sentez mal.

La solution ?... Rétablir l’équilibre chimique de votre cerveau grâce un antidépresseur, un psychotrope ou un anxiolytique.

Et si cette prétendue solution était un agent ennemi envoyé par le problème ? Et si le problème, ou du moins si l’un des tentacules du problème, c’était précisément cette manie de tout expliquer par la matière, de ne voir et de ne croire qu’à la matière, de cacher ce qui fait mal sous des drogues artificielles, des faux-semblants chimiques, des ersatz de bonheurs ?

14 octobre 2007

Une métaphore qui n'est pas sans conséquences

Les premières personnes à parler de la dépression comme d’une maladie ne voulaient certainement pas dire qu’elle en était une au sens littéral ; ils employaient le mot maladie comme une métaphore ; une manière de faire comprendre que la dépression était un sujet sérieux, et que ceux qui en étaient atteints méritaient de la compassion et de l’aide.

Mais progressivement, la dépression est apparue comme une maladie au sens fort et plein du terme, la métaphore s’estompant au profit du sens littéral. Non qu’on ait fait aucune découverte scientifique dans ce sens : il n’y a pas de virus de la dépression ; il n’y a pas non plus d’anomalie génétique de la dépression. Mais par un tour de passe progressif et irrésistible, ce qui était un trouble mental est devenu un trouble physique, le cerveau étant de plus en plus mis en accusation, sans que d’ailleurs on puisse apporter aucune preuve contre lui.

La dépression étant maintenant considérée comme une maladie au sens littéral du terme, on peut affirmer sans que cela étonne personne : « La dépression frappe au hasard ; c’est une maladie, pas un état d’âme. »

Pas un état d’âme ?...

Mais s’il n’y a pas d’idées noires, pas d’anxiété, pas de tristesse diffuse, pas de découragement et de négativité, y a-t-il encore dépression ?

Le Docteur Knock répondrait « Indubitablement ! », mais c’est que pour lui, toute personne en bonne santé est un malade qui s’ignore.

Il s’est passé quelque chose – et pourtant, on n’y a vu que du feu. Essayons de revenir en arrière, pour retrouver le moment précis où l’illusionniste a escamoté le roi de cœur et la dame de pique, le mouchoir trempé de larmes, le lapin qu’il nous a posé : « Rien dans les mains, rien dans les poches… »

Au commencement était la tristesse.

Ensuite, on a nommé cette tristesse « dépression ».

Ensuite encore, la dépression a été comparée à une maladie.

Peu à peu, la dépression est devenue une maladie à part entière…

Étant une maladie, la dépression n’est plus un état d’âme.

Et voilà comment, maintenant, on va voir son médecin pour apprendre que cette tristesse que l’on ressent n’est pas de la tristesse, n’est pas un état d’âme : c’est une maladie. Il n’y a plus ni âme, ni esprit, il n’y a plus qu’un corps plus ou moins opérationnel, plus ou moins efficace. Et si vous perdez votre maman et que vous êtes triste, c’est simplement que vous êtes malade. En attendant la découverte du vaccin contre la dépression, avalez ces quelques pilules-miracle, fruits de la recherche et de la science…

Est-ce que ça ne ressemble pas un peu au Meilleur des mondes ?

12 octobre 2007

Astrologie

Derniers recours : les sciences occultes. Nous apprenons alors que tout s'arrangera lorsque notre Soleil rencontrera Pluton, à moins que ce ne soit tout simplement l'heure de notre mort.

L'éventail des possibles que nous voulions resserrer s'ouvre vertigineusement ; nous scrutons avec anxiété le miroir du futur sans rien y distinguer que des formes éphémères, tour à tour riantes et effrayantes…

Allons-nous enfin savoir qui nous sommes ?

Nous sommes des taureaux, des cancer, des scorpions (qui plus est affligé d'une opposition Vénus-Saturne) voilà le problème ! Et le verdict des astres est immuable ; nous n'y pourrons rien changer.

Les voyants voient peut-être, mais nous n'y voyons que du feu, et c'est l'enfer doucement qui s'attise.

Le homard se laisse cuire sans réagir lorsque la température de l'eau augmente insensiblement ; entre flatteries (avec ce magnifique trigone mercure-soleil, vous devez être un grand intellectuel…) promesses qui font rêver (une rencontre ? une passion intense, peut-être durable ?...) et inquiétudes (il faudra surveiller le foie : ce transit de Jupiter ne me dit rien qui vaille…), le temps s'écoule sans que nous y prenions garde, et la température monte :

Avocat du diable.

Puisque ce sont les astres qui ont décidé que je serais comme ci et comme ça, qu'y puis-je ?... Si je suis paresseux et irresponsable, c'est tout simplement la faute à Neptune.

Avocat du bien.

Certes, on ne change pas un thème natal ; mais on peut tout de même le sublimer. C'est à nous d'apprendre à utiliser au mieux ce que les astres nous ont donné.

Avocat du diable.

Les astres m'ont donné que dalle… T'as vu ce carré mars-pluton ? Je devrais être un tueur psychopathe… D'ailleurs je vais sûrement en devenir un, c'est écrit.

Avocat du bien.

Allons, allons… un peu d'astrologie humaniste te ferait le plus grand bien !... Si nous ne sommes pas libre de changer notre passé, c'est tout de même à nous de devenir qui que nous sommes.

Avocat du diable.

Cause toujours, tu m'intéresses.

Les étoiles brillent, sereines et lointaines, et décident de tout derrière notre dos. Nous sommes soumis à leur puissance incompréhensible et dictatoriale, pauvres patins qui prétendent être libres.

Et si ce n'était qu'un boniment de plus ?...

30 septembre 2007

Pensée positive : le pour et le contre

- La pensée positive affirme qu’à force de répéter comme un mantra « tout va bien dans mon monde » on réussira à y croire. Cette façon d’appréhender l’intellect est un peu courte.

- Un peu courte ?... La répétition est la plus forte des figures de rhétorique, c’est Napoléon qui l’a dit. Notre esprit est déjà manipulé et modelé par la propagande suggestive, incessante et subtile de la télévision, de la publicité, des journaux et des films : tant qu’à être conditionné, ne vaut-il pas mieux l’être par soi-même ? Les médias nous poussent dans un sens : pourquoi ne pas tirer dans un autre, que nous choisissons nous-mêmes, et rétablir l’équilibre ?...

- Pff ! Ce que l’on recherche à travers le développement personnel, ce n’est pas un conditionnement de plus, c’est un conditionnement de moins. Et lorsqu’on se laisse aller à rêver, on en espère encore davantage : la fin de tout conditionnement et le début d’une ère nouvelle, où la graine de la liberté intellectuelle donnerait naissance à la liberté tout court, la liberté sans adjectif. D’ailleurs si l’on parvenait, à force de répétitions, à se convaincre soi-même de croyances « positives » mais qu’on ne peut s’empêcher de juger illusoires, on arriverait seulement à se rendre fou. Lorsqu’elle entre en contradiction avec ce que l’on a compris de soi et du monde, l’auto hypnose représente beaucoup moins une libération qu’une aliénation… avec l’asile au bout.

- Certes. Mais ici il ne s’agit pas de gaver son esprit de force comme on gave une des gallinacées victimes de Noël et du nouvel an, mais bien d’introduire en douceur une idée nouvelle, plus optimiste que celle qu’on rumine habituellement, de jouer avec jusqu’à que l’esprit se familiarise avec elle et l’accepte comme possible, puis de l’intégrer définitivement à son mode de pensée par un patient travail de répétition.

- Dans la théorie, bien sûr, c’est très facile ; dans la pratique c’est autre chose. Concrètement, comment va-t-on « introduire en douceur » cette idée nouvelle ?...

- Au lieu de se répéter « j’ai confiance en moi », sur le mode affirmatif, on va simplement jouer avec l’hypothèse : « Et si j’avais confiance en moi ?... »

- Je peux déjà te dire que pour bon nombre d’entre nous, cette hypothèse est totalement inimaginable.

- On peut du moins réfléchir à cette phrase : « Et si j’avais un peu plus confiance en moi ?... »

- Mouais.

- Ou encore, on peut essayer de jouer le rôle de quelqu’un qui aurait confiance en lui-même, comme si on était un acteur sur une scène de théâtre.

- Re-mouais. Quand ça bloque, ça bloque.

- On peut du moins continuer à lire ce blog et des livres jusqu’à ce que le travail par la pensée positive soit devenu possible.

- Ah ! Tu reconnais donc que la pensée positive n’est pas valable pour n’importe qui, dans n’importe quelle circonstance ?

- Mouais.

"Peut-être qu'avec le temps, ça ira mieux tout seul ?"

Non, ça n’ira pas mieux. Rien ne se fait « comme ça » ; le temps ne fait rien sans nous. Mille ans de passivité intellectuelle n’apporteront aucun changement positif à nos idées… et donc aucun changement positif à notre attitude… et donc aucun changement positif à notre vie.

Même si la théorie de l’évolution donne l’impression (magique) qu’il suffit de laisser mijoter des créatures unicellulaires assez longtemps dans l’eau pour qu’en surgissent des cœlacanthes aux poumons embryonnaires, puis des mammifères dotés des options les plus perfectionnées, de nos jours et à l’échelle d’une vie humaine, le temps seul n’améliore rien, au contraire.

Deux semaines après, la voiture qu’on a laissée dehors n’a pas développé un autoradio ou une vitre teintée à l’arrière : elle a seulement accumulé la poussière, la fiente de pigeon et les amende pour stationnement interdit.

Si nos laissons nos problèmes (psychologiques ou autres) en l’état, en espérant que le temps les résoudra sans nous, ils ne feront qu’empirer, tout comme cette voiture laissée à l’abandon.

22 septembre 2007

"Tout ça, c'est la faute au grand méchant loup !"

Lorsque les deux premiers petits cochons trouvèrent refuge chez le troisième, voici comment ils lui expliquèrent la situation :

« J’étais bien tranquille dans ma maison, dit le premier petit cochon, quand soudain j’entendis un bruit effrayant, comme si un ouragan approchait… et les murs se mirent à trembler ! Alors je jetai un œil par la fenêtre, et là, je vis le grand méchant loup qui soufflait comme un malade sur la maison ! A tel point que le toit s’envoila, que les murs s’envolèrent, et que je dus décamper à toute vitesse pour échapper à ses dents !... Et je n’ai même pas eu le temps d’emporter mes économies ou même un pull avec moi… Maintenant, à cause de lui, je suis S.D.F… J’ai tout perdu à cause de cette sale bête… Tout ça, c’est sa faute… Sale prédateur malfaisant ! »

Et le deuxième petit cochon, qui était du genre laconique, ajouta : "Pareil pour moi. Tout ça, c’est la faute du grand méchant loup. »

Ce que les petits cochons oubliaient de dire, c’est que les poumons d’un loup, même d’un loup grandiose et mythique comme le grand méchant loup, n’ont pas la capacité d’un ouragan. Si leurs maisons avaient été un peu plus solides, s’ils avaient construit leur demeure en pierre au lieu de la bâtir en paille et en bois, le grand méchant loup se serait époumoné en vain, et les petits cochons, à l’abri de leur sweet home, n’auraient pas dit : « C’est grâce à la chance… » mais bien : « C’est grâce aux murs solides que j’ai construit, c’est grâce à ma sagesse, grâce à ma prévoyance… »

A un moment ou à un autre, nous faisons tous l’erreur des petits cochons. Nous voyons le loup qui souffle et nous oublions les murs de paille… car le loup n’est pas de notre responsabilité, tandis que les murs le sont.

On parle alors (et les spécialistes eux-mêmes cautionnent ce point de vue étrangement myope) de dépression saisonnière… ou du bus qui était en retard : c’est à cause de lui que nous ne sommes pas à l’heure au rendez-vous… ou de la phrase blessante que nous a dit notre mère au téléphone, et qui nous a cassé le moral pour quatre jours…

Mais s’il suffit d’un petit nuage gris dans le ciel ou d’une averse pour que notre moral s’effondre et fonde, c’est qu’il était en sel ou en sucre.

Et s’il suffit d’une petite phrase pour nous mettre K.O., c’est que nous n’avons pas plus de résistance que Caliméro.

Et si un bus suffit à nous mettre en retard, c’est que nous sommes partis à la dernière minute, sans nous laisser la moindre marge de manœuvre.

Accuser le monde extérieur est agréable, confortable – mais à détourner les yeux de notre zone d’influence pour la tourner vers notre zone d’impuissance, nous nous enfonçons dans le victimat.

Si vraiment c’est la faute du grand méchant loup, et rien que la faute du grand méchant loup, alors il est inutile de construire une maison plus solide. Si tout est sa faute de à lui, alors rien ne dépend de nos choix à nous, et nous sommes de pauvres petits êtres qui subissent ce que le grand méchant monde nous impose, de pauvres petites choses impuissantes et meurtries qui peuvent seulement s’indigner : « Tout ça, c’est de sa faute !... »

18 septembre 2007

Le propriétaire de la poule aux oeufs d'or

Le propriétaire de la poule aux œufs d’or trouvait chaque matin dans la paille de son poulailler un bel œuf luisant du plus précieux métal. Il l’échangeait au marché contre autre chose : des fruits, des légumes, des habits neufs, etc. Rien de bien faramineux ; juste de quoi survivre.

(On peut penser qu’il n’était pas très malin de céder ses œufs contre si peu de choses, mais c’est ainsi que faisait son père et son grand-père… Le propriétaire avait hérité la poule de ses ancêtres, et faisait comme ils avaient fait, sans se poser trop de questions.)

Le propriétaire de la poule aux œufs d’or vivait seul et parfois, il n’avait pas le moral.

Un soir, pour la première fois, il décida de faire un tour au bar du village.

C’est là qu’il rencontra… Non, je vais tourner ma phrase autrement : c’est là qu’il fit une mauvaise rencontre.

Ce villageois-là n’avait l’air de rien, l’air de n’importe qui, l’air de tout le monde. Son visage était remarquable par son absence de signe particulier, et lorsqu’il se tenait immobile devant un mur, on avait du mal à s’apercevoir qu’il était là.

Ce villageois-là devint l’ennemi intime du propriétaire de la poule aux œufs d’or, c’est-à-dire qu’il fit en sorte de lui inspirer confiance. Le propriétaire de la poule aux œufs d’or lui parlait et l’écoutait… ce fut son erreur, et il la paya cher.

Petit à petit, par petites phrases glissées l’air de rien dans la conversation, ce villageois-là commença à instiller le doute dans l’esprit du propriétaire de la poule aux œufs d’or : les beaux œufs dorés qu’il récoltait étaient-ils vraiment en or ?

Ou s’agissait-il seulement de contre-plaqué ?...

Le propriétaire de la poule ne s’était jamais posé cette question auparavant, mais dès qu’il se la posa, le villageois en profita pour lui greffer un nouveau doute…

De semaine en semaine, de petit verre de cidre en grand verre de vin, le propriétaire de la poule aux œufs d’or en vint à croire tout ce que lui suggérait le villageois maléfique.

Il faut dire que lorsque le propriétaire de la poule aux œufs d’or avait atteint un certain stade d’imbibition alcoolique, le villageois sortait de sa poche un pendule, et l’hypnotisait. Puis, il lui susurrait des phrases soigneusement choisies d’une voix douce. Dans l’esprit suggestionné du propriétaire, un nouveau point de vue prenait peu à peu forme.

Un jour, le propriétaire de la poule aux œufs d’or se réveilla à cinq heures du matin : sa poule grattait le bas de la porte en gloussant avec insistance pour réclamer du grain.

Cette petite contrariété, dont il pouvait tenir sa poule pour responsable, fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase…

(Mais le vase lui-même n’avait pas été rempli par la pauvre petite poulette, qui n’en pouvait mais, mais bien par le villageois malfaisant.)

Le propriétaire de la poule aux œufs d’or se dit alors :

« Mais pourquoi je me complique la vie avec ce stupide volatile qui ne sait que caqueter et faire caca partout ?!... Depuis le temps que je me fatigue à la nourrir… Et ses œufs ne valent rien, d’ailleurs cela fait des mois je n’ose même plus les porter au marché. Qui voudrait du laiton doré ?... ça a suffisamment duré ; aujourd’hui est le jour de la libération ; aujourd’hui cette insupportable volaille va enfin se rendre utile. »

Et sans réfléchir davantage, le propriétaire tordit le cou de sa poule et en fit une poule au pot.

Il la mangea, puis se rendit au bar pour retrouver son « cher ami. »

Lorsqu’il lui annonça qu’il avait tué et mangé la poule, l’autre se mit à rire, à rire à gorges déployées, à rire encore et encore.

Lorsqu’il eut ri tout son saoul, il adressa ces paroles mémorables à l’ex-propriétaire de la poule aux œufs d’or :

« Pauvre crétin ! Tu as détruit ta seule ressource, ton seul espoir… Tu étais riche sans le savoir, et maintenant tu n’as plus rien ! Tu ne retrouveras jamais, jamais et nulle part, une poule comme la tienne. Tu as tout perdu, et tout perdu par ta faute, imbécile ! Je ne t’ai pas forcé à faire ce que tu as fait, c’est toi le seul responsable. Ton échec t’appartient. »

Et sur ces mots, le villageois s’en alla, laissant l’ex-propriétaire de la poule aux œufs d’or seul.

Fin (tragique) de l’histoire.

Ceux qui prônent le suicide disent parfois : « quand on se sent mort, quand on est déjà aux trois-quarts mort… cela ne fait pas une si grande différence de se tuer pour de bon. »

Cela fait la même différence qu’entre une jambe cassée et une jambe coupée : la jambe cassée guérit, la jambe coupée ne repousse pas.

La vie est une poule qui nous offre chaque matin un nouveau trésor, une nouvelle chance, une nouvelle journée en or. Mais nos ancêtres n’en faisaient pas grand-chose, de ce trésor, et nous non plus.

Le jour où nous prêtons l’oreille au mauvais conseiller, nous en venons à croire que la poule est sans valeur, que ses œufs ne sont que du toc.

Si nous lui tordons le cou, nous aurons tout perdu, et il n’y aura pas de seconde chance.

Le psy, la pythie et l'idole

Est-ce qu'il n'y a pas une certaine similarité entre le psy et la pythie que les grecs allaient consulter, et qui (moyennant une forte somme) exprimait un oracle plus ou moins incompréhensible, sensé être un message des dieux, au voyageur anxieux, tracassé ?... Elle était invisible, cachée dans la fumée de cassolettes... et le psy est souvent caché derrière sa barbe, la fumée de son cigare, ou une pénombre mystérieuse... comme la grotte d'une pythie.

Et est-ce qu'il n'y aurait pas aussi une certaine similarité entre le psy et l'idole de pierre que des polythéistes adoraient (sur l'île de Paques ou ailleurs), auxquels ils offraient des objets de valeur, de la nourriture, etc., et dont ils craignaient les réactions, les décisions... malgré l'immobilité et le mutisme de leur divinité de pierre ?

Le psy lui non plus ne dit pas grand chose, ne fait pas grand chose, et pourtant on le craint, on le respecte, on lui offre de l'argent, non comme un salaire auquel il aurait droit en échange d'un service qu'il nous rendrait, mais plutôt comme une offrande visant à apaiser un dieu potentiellement courroucé, ou comme un sacrifice à un dieu qu'on voudrait se rendre propice...

10 septembre 2007

Les mauvais conseils

La plupart des mauvais conseils peuvent à peu près se résumer ainsi :

Au lieu de monter, descends.

Lâche la proie pour l’ombre.

Jette le bébé avec l’eau du bain.

Les murs qui te protègent, détruis-les.

Coupe toute relation avec ceux qui te rendent fort.

Si ces conseils perfides se présentaient nus, ils n’auraient aucun succès ; aussi revêtent-ils la rhétorique la plus raffinée, la plus persuasive.

« Au lieu de monter, descends » s’habille en : Lâche prise, il n’y a aucun effort à fournir, tout est déjà là, laisse tomber les « il faut » et les « je dois »…

« Lâche la proie pour l’ombre » endosse le costume pailleté de : Ecoute tes rêves, il n’y a rien de plus important qu’eux, si tu y crois vraiment très fort ils se réaliseront tout seul…

« Jette le bébé avec l’eau du bain. » se déguise en : Ton angoisse, ta tristesse… tout est de la faute de ton mental rationnel, jette ta logique à la poubelle et tout ira mieux…

« Les murs qui te protègent, détruis-les. » se relooke en : Pourquoi se besoin de te protéger, de te méfier ?... Il n’y a que les faibles qui ont peur de se livrer, de se montrer, de s’exposer…

« Coupe toute relation avec ceux qui te rendent fort. » se traduit par : C’est au creuset de la solitude que tu deviendras de l’or… Etre adulte, c’est être indépendant, autonome - et seul…

On écoute ces conseils charitables, on les croit, puis l’on passe à l’action : on démantèle les murs de son château, on troque son or le plus précieux contre des pièces en chocolat, on jette l’enfant avec l’eau sale, on lâche le lapin pour son ombre – puis on s’aperçoit qu’on est pauvre, qu’on est faible, et que n’importe quel pillard peut nous violer l’âme parce que rien ne nous en protège plus.

Dans notre détresse, on tend alors l’oreille, et là on entend de nouveaux conseils, pires encore que les premiers – si on les croit, où finira-t-on ?...

Dans un abîme de souffrance.

08 septembre 2007

Blabla médical

Lu sur le net :

« On estime que neuf fois sur dix, le suicide est relié à une forme de trouble mental, généralement la dépression. »

Et maintenant, cherchons le sens du mot dépression.

Dépression (nom féminin) : Perturbation du dynamisme de la vie psychique, qui se caractérise par une diminution plus ou moins grave de l'énergie mentale, une certaine pente de l'affectivité qui est marquée par le découragement, la tristesse, l'angoisse.

Autrement dit, la dépression c’est quand on a moins d’énergie pour réfléchir et qu’on se sent découragé, triste et angoissé.

Traduisons maintenant en langage non-médical la première phrase. Ça nous donne : « On estime que neuf fois sur dix, le suicide est lié à la confusion mentale, au découragement, à la tristesse et à l’angoisse. »

Autrement dit, les gens qui se suicident n’ont pas les idées claires, ils ne sont ni enthousiastes, ni joyeux, ni paisibles… Fascinante information, n’est-ce pas ? Et si surprenante !

Et pourtant lorsqu’on lit sans trop y réfléchir la phrase sous sa forme originelle (« On estime que neuf fois sur dix, le suicide est relié à une forme de trouble mental, généralement la dépression. »), on a l’impression qu’elle dit réellement quelque chose, qu’elle apporte une information.

C’est peut-être la référence à des statistiques, la présence de chiffres même s’ils sont très vagues, ou l’expression « forme de trouble mental » qui créent cette illusion…

On a ici affaire à une variété particulière de blabla : le blabla médical.

Le blabla médical, très apprécié et pratiqué dans certains cercles – suivez mon regard -, est un art assez facile à maîtriser. Il suffit de rebaptiser d’un mot obscur et inquiétant quelque réalité psychologique bien connue, puis d’annoncer que cette effrayante névrose au nom bardé de clous présente divers symptômes tous plus horrifiques les uns que les autres – parmi lesquels… la réalité psychologique bien connue en question.

Ainsi, la boucle est bouclée, le serpent se mord la queue, le raisonnement tourne en rond.

Exemple :

« On reconnaît le trouble bipolaire à plusieurs symptômes, parmi lesquels une fluctuation importante de l’humeur. »

Mais comme le trouble bipolaire se définit précisément par la succession de hauts et de bas, c’est comme si l’on disait : « On reconnaît une fluctuation importante de l’humeur à plusieurs symptômes, parmi lesquels une fluctuation importante de l’humeur. »

Transposé à un autre domaine, cela donne : « On reconnaît un match de foot à plusieurs signes, parmi lesquels un ballon rond que des joueurs en short frappent avec le pied. »

Dans le jardin fertile des troubles psychologiques, le blabla médical pousse à foison ; ses fleurs blanches ressemblent à s’y méprendre à de petites blouses de médecin, mais lorsqu’on les examine de près, on s’aperçoit que leur tissu est végétal : un leurre pour les insectes.

03 septembre 2007

Echec définitif ?

Lorsqu’on est mal, voici la recette que l’on suit, sans y réfléchir, pour se saboter encore plus le moral :

- On commence par mettre tous ses œufs dans le même panier, à ne se laisser aucune porte de sortie : « c’est ça ou rien ; ma vie n’a de sens que si ça marche. Si ça ne marche pas, tout est définitivement foutu. »

- On fait ensuite non deux, trois, quatre ou cinq tentatives, mais une tentative pour que ça marche.

- On attend avec une anxiété croissante, dévorante, le résultat de cette unique tentative.

- Lorsqu’on a le résultat (ça ne marche pas), on s’effondre : « Rien ne se passe comme je le veux… quelle déception… je voulais vraiment ça… j’avais vraiment besoin de ça » Et à l’arrière-plan du mental, les sous-titres défilent, commentant l’action : « Cet échec est ton échec… tu es un échec… Echec, échec, échec, échec… » Une douloureuse mélancolie nous envahit alors, et nous réécoutons Yann Tiersen une énième fois, en pleurant comme des Madeleines imbibées de thé :

J'aimerai voir notre échec

Face à face à un beau jour

Détailler sa personne,

En cerner les contours

Et dans l'ambiance un peu crue

D'une ville en été

Lentement m'éloigner

Pour ne plus le croiser…

Pour changer de recette et corriger tout ça, il faut attaquer le problème à la base, c’est-à-dire corriger les idées fausses qui nous induisent en erreur, qui nous poussent dans l’impasse.

Personne ne réussit à atteindre son objectif du premier coup - à moins de viser à remplir son bol de soupe. Toutes les choses qui valent la peine, on doit faire des efforts répétés pour les obtenir. Une tentative qui n'a pas réussi n'est pas un échec, c'est un premier essai. C'est normal de ne pas arriver à sa destination en un seul pas ; il en faut plusieurs.

Le véritable échec, c'est de se laisser amoindrir et décourager par ses tentatives infructueuses, de se laisser paralyser par la peur de l'échec, de partir perdant, de croire que "c'est fini, jamais je n'y arriverai, etc." – et même cet échec-là n’a rien de définitif…

Les gens qui atteignent leurs objectifs ne sont pas des gens qui réussissent miraculeusement ce qu'ils entreprennent dès la première tentative, ce sont des gens qui essaient... ça marche pas... re-essaient... ça marche pas... re-essaient autrement... ça marche pas... ne se décourage pas... tentent encore une fois... ça marche pas... etc., jusqu'à ce que ça marche.

Les biographies des gens qui ont réussi quelque chose sont composées aux trois-quarts d'échecs retentissants.

Donc il faut :

- comprendre qu'il n'y a pas d'échec, seulement des tentatives qui n'ont pas abouti mais qui rapprochent du succès final ;

- comprendre que c'est normal, naturel et inévitable de ne pas réussir du premier coup ;

- comprendre aussi qu'il y a certains objectifs qui sont impossibles à atteindre parce qu'ils sont contradictoires. Lorsqu'on est déprimé on a tendance à se donner des objectifs du genre : la lune dans mon assiette, ou Antoine (qui est marié à la femme de sa vie ou homosexuel) amoureux de moi - et comme ça, on se prépare de la souffrance.... parce que malgré tout, il y a bien des objectifs qui sont impossibles à atteindre : ceux qui sont illogiques.

01 septembre 2007

Marre de la vie ?



Après moult moutures et tâtonnements, le livre est enfin prêt... C'est l'équivalent du blog, en nettement mieux et en plus riche.
Les articles les moins intéressants ont été supprimé ;
Les autres ont été amélioré et enrichi ;
Les meilleurs articles de mes autres blogs y ont trouvé une place ;
Le recueil de citations "Sagesse" constitue son avant-dernier chapitre ;
Son dernier chapitre est constitué de conseil de lectures qui ne sont pas sur ce blog ;
Il a une longue introduction.
BREF : le livre est mieux que le blog !

Il est cartonné, avec une reliure solide.

Vous pouvez le télécharger gratuitement ou le commander (version papier, "vrai livre") :

http://stores.lulu.com/lucia-canovi

Si vous connaissez qqn qui n'a pas du tout le moral, c'est vraiment le cadeau à lui faire - et si vous n'avez pas du tout le moral, c'est vraiment le cadeau à vous faire...

31 août 2007

Le problème avec la psychanalyse...

On m’a déjà reproché d’avoir un point de vue trop négatif sur la psychanalyse : certaines personnes ont été « sauvé » par elle. C’est génial quand ça arrive, et je m’en réjouis à tous points de vue – mais pour en tirer des conclusions positives sur la psychanalyse en général, il faudrait savoir d’où est venu le soulagement : de la psychanalyse ou du psychanalyste ?... du psychanalyste en tant que psychanalyste, ou de l’être humain qui excède ou même contredit les limites de cette identité ?...

Voilà ce que le François Roustang, analyste et thérapeuthe[1], dit à propos de la psychanalyse :

« Si vous êtes capable, sans avoir jamais fait de ski, de vous lancer sur une piste noire, vous êtes de taille. Sinon, évitez. […] J’ai reçu des centaines de personnes qui, après des années de divan, étaient profondément déprimées. »

C’est tout de même intéressant… en général, on suppose qu’une psychanalyse sert à aller mieux. Après tout, on paye pour ça… et en général, quand on paye, c’est qu’on espère un bénéfice quelconque. Et là, on apprend de la bouche même d’un spécialiste, qu’une psychanalyse sert à aller plus mal : c’est pour quoi elle est réservée aux forts.

Mais dans quel but quelqu’un de fort donnerait-il son argent pour qu’on lui sabote le moral ?... Telle est la question, et il va être difficile de lui trouver une réponse satisfaisante.

Pour comprendre pourquoi et comment la psychanalyse conduit ou enfonce dans la dépression, ou du moins pourquoi c’est très souvent l’effet qu’elle a, on doit se souvenir de la manière dont se déroule une séance de psychanalyse.

Le client, pardon, le patient a quelque chose qui ne va pas. Dans un lieu mal éclairé, subtilement glauque, il parle non seulement de ce quelque chose qui ne va pas, mais de toute sa vie, livrant son intimité la plus intime à un sphinx qui ne livre en échange que des « hum », des « et ?... » ou des : « continuez. ». La relation est profondément inégalitaire, et donc déstabilisante : on se met à la merci d’un être encarapacé et caparaçonné dans son rôle, solidement barricadé dans son identité sombre et énigmatique de psychanalyste. Dans le pire des cas, cet être mystérieux, et certainement tout puissant, est invisible, planqué derrière nous qui gisons passivement à l’horizontale, tel le pauvre malade impuissant que nous sommes en train de devenir de plus en plus, sans le savoir…

Ce que je décris, ce n’est pas simplement un cliché : c’est une réalité qu’on vécut bien des gens, moi y compris.

Le psychiatre qui m’a… euh… aidé ?... non, ce n’est pas le mot… qui m’a… bref, le psychiatre que je voyais à l’hôpital psychiatrique lors du séjour que j’y ai fait était du genre bien caché.

D’ailleurs, est-ce que vraiment je l’ai « vu » ?...

Il se cachait derrière une barbe et une moustache buissonnantes ; il se cachait aussi derrière la fumée de son cigare (qui me dérangeait peut-être, mais il était largement au-dessus de ce genre de considérations) ; il se cachait enfin par une savante utilisation du contre-jour. La fenêtre de son bureau étant placée derrière sa tête, je ne voyais de son visage qu’une forme sombre, tandis qu’il voyait en plein mon visage transparent, où toutes les émotions se lisaient en gros caractères.

Lorsqu’il venait me chercher dans la salle d’attente, il avait une manière inimitable de m’inviter à le suivre : pas un mot, pas une poignée de main, pas un sourire, mais un mouvement en biais du menton qui désignait successivement moi et la porte, et qui signifiait quelque chose comme : « allez, à l’abattoir, c’est l’heure !... »

Revenons à la psychanalyse. En quoi consiste-t-elle, la moitié du temps ?... A ressasser ses mauvais souvenirs. A les repasser au ralenti. A appuyer sur « pause » pour examiner de plus près une image particulièrement pénible. A revivre le pire encore et encore, à la recherche de ce qui explique, justifie, confirme, permet de comprendre le pire en question.

Est-il vraiment étonnant qu’on sorte d’un tel exercice démoralisé ?...

Selon les découvertes scientifiques les plus sérieuses de ces dernières années, plus on se remémore un souvenir, et plus celui-ci prend de l’importance dans notre mental. C’est comme un champ de blé : plus on repasse et repasse sur le même trajet, plus un chemin s’y dessine. En se remémorant à haute voix, et devant quelqu’un, nos mauvais souvenirs, on leur accorde une importance qui les fait enfler, grossir : c’est un peu comme si on faisait rouler une boule de neige… avec le temps, elle devient de plus en plus importante. Si on se livre à cet exercice pendant des années, on récolte forcément les fruits amers d’une telle habitude…

Inversement, si on se remémore, à haute voix et devant quelqu’un - quelqu’un de bienveillant qui croit en nous en en nos capacités, qui nous encourage - nos bons souvenirs, les souvenirs de nos succès passés, de nos réussites, nous allons les voir progressivement prendre du poids. Et notre image de nous-même, et notre mental, s’en trouveront très naturellement améliorés.

Mais ce n’est pas ça qu’on fait lors d’une psychanalyse – ou alors, c’est qu’on est tombé sur un psy exceptionnel, qui s’est nourri certainement de lectures non-orthodoxes et qui s’est éloigné de la ligne du partie… d’un dissident, en somme.



[1] « L’unité du corps et de l’esprit », interview de François Roustang par Ursula Gauthier, parue dans Le Nouvel Observateur, no1890, 25-31 janvier 2001