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27 novembre 2008

Le Phare

Un lieu de silence. De ce silence qui précède la belle musique : attente, recueillement, promesse.

Quand, sur le disque noir, l'aiguille glisse le long du sillon extérieur, faisant surgir une onde sonore presque imperceptible à la surface de l'atmosphère, tel un friselis d'eau.

Nous sommes ici loin de tout, et les mouettes qui glissent sur l'air dans un miracle devenu banal, mais toujours aussi miraculeux, ne sont pas plus aériennes que nous.

Nous avons mangé du cake au citron et au miel ; nous avons reposé les tasses anglaises dans leurs coupelles.

J'ai pris plaisir à ce raffinement de civilisation, à cette délicatesse ; vous rappelez-vous la triste époque où nous mangions à même leur boite des haricots figés dans leur sauce tomate ?... Triste époque, vraiment.

Nous étions "dépressifs" - enfin, c'est l'étiquette que des gens bien intentionnés (ou non) nous auraient collés sur le cerveau si nous les avions laissé faire.

Maintenant, tout est tellement différent ; c'est un peu comme si nous étions déjà morts, et entrés dans Le Paradis : une sérénité profonde, inimaginable avant, est devenue la norme.

D'ici, du haut du Phare, ce n'est pas seulement sur l'océan paisible, rayé de fins panaches d'écume blanche, que nous avons vue ; c'est aussi sur le monde entier. Un monde douloureux, un monde fou.

Ravagé par des idées mauvaises et des individus mauvais.

Un monde perdu, où les enfants souffrent seuls, où les tortures se multiplient, où l'indifférence pullule, où l'atroce pointe le bout de son nez sur la scène, espérant qu'on l'accepte ici comme on l'a accepté en coulisses.

ça nous fait mal au coeur... mais du moins, nous sentons que nous en avons un. Nous sentons que nous avons pris assez de distance à l'égard de nous-mêmes pour regarder plus loin, envisager ce vaste océan d'humanité et d'inhumanité qui nous entoure de toute part.

C'est douloureux, et pourtant, c'est quelque chose comme le bonheur - car nous avons compris, nous comprenons, et nous savons ce que nous devons faire...

Ce Phare, ce n'est peut-être pas le "vous" d'aujourd'hui qui l'habitez avec moi ; c'est peut-être le "vous" de demain, celui de l'année prochaine, ou de celle d'après, ou d'après. Peu importe : dès maintenant, nous y sommes ensemble. Ce Phare, c'est notre conscience commune de ce que nous sommes, de ce qu'est le monde, et de ce qu'il faut y faire.

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