Merci pour tous vos commentaires - ils m'encouragent à poursuivre, sachant que j'arrive au milieu fastidieux de la route, et que mon allure d'escargot pourrait presque me décourager.
Un lecteur m'avait confié qu'un changement de lunettes lui avait du bien au moral... je confirme ; on se sent beaucoup mieux lorsqu'on y voit plus clair, que ce soit au moral ou au physique.
Là, après changement de verre (et de monture, d'ailleurs), le monde me paraît plus net, les noirs plus noirs et les blancs plus blancs.
C'est bien plus agréable, bien plus satisfaisant pour les yeux...
Et il en est de même à un autre niveau : lorsque la grisaille d'une vision myope et/ou astigmate laisse place à des contrastes frappants, on retrouve goût à la vie.
Bon. Je parie que vous ne voyez pas comment transposer l'amélioration des contrastes visuels au niveau psychologique ?...
La grisaille, c'est l'indifférence. C'est aussi le relativisme. Lorsque le Bien paraît bof-pas-si-bien et le Mal paraît bof-pas-si-mal, lorsque "rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir", alors tout est gris.
Lorsqu'on comprend mieux l'écart insurmontable qui sépare ce qui est bien de ce qui et mal, lorsque l'ombre et la lumière se distinguent de plus en plus nettement, lorsque l'éventail de nuances qui écartent le mal absolu du bien absolu s'ouvre, alors on se sent... mieux. Beaucoup mieux.
D'autant que logique et éthique sont liées : une vision approximative et floue des repères éthiques s'accompagne d'une logique tout aussi approximative.
Bref... il y a, entre un Dutroux et un abbé Pierre, un écart qui est plus qu'une nuance : un gouffre.
Pour se diriger, pour avancer dans son existence, on a besoin de savoir quels sont les choix.
Tant qu'on ne voit comme choix que l'alternative king fish/mac bacon, on rate l'essentiel ; le choix principal.
Le choix principal est moral ; il est une question de principes. Ceux qui n'en veulent pas glissent à gauche, ceux qui en veulent grimpent ou grimperont à droite.
Quel rapport avec la dépression ?...
D'abord il y a cette troublante homophonie entre "la morale" et "le moral". Qui n'a pas de morale risque fort de perdre le moral... ensuite il y a... qu'une existence ne vaut la peine d'être vécue que lorsqu'elle cherche à épouser la ligne droite, la colonne vertébrale des principes.
Nos sentiments changent et fluctuent ; tantôt violents, tantôt paisibles ; tantôt roses et tantôt noirs. Ce sont des vagues incessantes qui nous bousculent et nous caressent (nous bousculent surtout). S'y fier, c'est se fier à la girouette sur le toit. Elle tourne et vire au vent qui passe, infidèle à hier comme à demain, infidèle à tous, même à elle-même.
Telles sont nos passions - qu'on appelle aussi "émotion", "sentiment".
Se dire : "je vais faire ce que j'ai ENVIE de faire", c'est vraiment se raccrocher au vent.
Mieux vaut se dire : je vais faire ce que je VEUX faire", et s'interroger : qu'est-ce que je veux ? vraiment ?
Les réponses sont toujours les mêmes : égoïstes d'une part, fondées sur des principes de l'autre. Le mieux étant encore de combiner ces deux genres de réponses.
Je veux peut-être gagner beaucoup d'argent... et pourquoi pas ? Mais je n'en aurais la force que si je suis certains principes.
Je veux peut-être sortir de dépression... et je n'en aurais la force que si je suis certains principes.
"Principe" vient du latin princeps, "premier".
Les définitions de "principe" donnent matière à réfléchir.
"Proposition posée au début d'une déduction, ne se déduisant elle-même d'aucune autre dans le système considéré, et par suite mise, jusqu'à nouvel ordre, en dehors de toute discussion"
Le principe, c'est ce qui ne se discute pas, ne se conteste pas : une règle de base que l'on accepte dès le départ. Le sol solide où l'on peut construire tout le reste.
Des principes - même triviaux, même idiots - valent mieux que pas de principes du tout.
Se brosser les dents après le repas peut être un principe ; il y en a de plus significatif mais celui-là vaut tout de même quelque chose. A condition bien sûr de le respecter, sinon cela cesse d'être un principe.
Mais les grands principes sont bien plus délicats à appliquer. Ils demandent beaucoup d'intelligence. Ils sont rigides mais abstraits : pour les rendre concrets, il faut toute une gymnastique mentale, et pas que mentale. Des efforts intellectuels et d'autres, à faire sur soi-même, par l'action.
(parenthèse. J'écoute "long nights" d'Eddy Weber ; c'est vraiment la musique qui se prête le mieux à une nuit studieuse, solitaire, quand tout est calme autour et en soi. La lampe rétro qui éclaire mon bureau renvoie contre le mur des coups de pinceau lumineux qui dessinent une couronne qui va en s'élargissant jusqu'au plafond, et je soupire de contentement. Vraiment, l'humilité est une liberté ; vraiment, l'orgueil est une prison. Je remercie Dieu de m'avoir débarrassé, de me re-débarrasser régulièrement, de cette croûte étouffante, de cette rouille asphyxiante ; la colère, la haine sont des filles de l'orgueil. Qui se débarrasse de la racine satanique se débarrasse aussi des branches. Je vous encourage vous aussi à faire ce travail de nettoyage, de purification. Il n'est pas facile, mais peut-être que la première étape est de prendre conscience qu'il est nécessaire ?... L'humilité n'est pas la faiblesse ; elle est même tout le contraire : le début de la force. Fin de la parenthèse.)
C'est drôle, tout de même, l'écriture... que ce soit par le corps ou par l'esprit, Nous vivons dans deux mondes très différents, et pourtant, cet espace mental nous est commun. Pareil à ce phare idéal où je m'imagine vous parler, avec une liberté et une abondance inimaginable en toute autre circonstance.
Espace irréel, rêve lucide où la traversée des apparences devient possible. Croisière de luxe où nous embarquons ensemble, moi pour extraire ces fragments de miroir enfouis au fond de moi, et vous pour y chercher des indices de qui vous êtes vraiment.
Bien sûr, je ne sais pas qui vous êtes vraiment... mais je sais qui je suis, et je sais aussi ce que ça fait de ne pas savoir ; c'est pourquoi j'espère que vous trouverez un peu de vous dans mes mots.
L'écho de votre propre voix, voix oubliée peut-être, ou négligée, parce que vous avez cru à tort qu'elle n'avait pas d'importance.
Nous sommes pourtant des êtres uniques et singuliers, et cette singularité est précieuse, comme notre dignité est précieuse. Hélas, les mots "singulier" et "dignité" se sont dévalués en monnaie de singe... on les a fait servir dans trop de mascarade pour qu'ils aient gardé leur lustre originel.
Replongeons-les dans l'océan primordial pour qu'ils retrouvent leur lustre.
Et en attendant que leurs couleurs se ravivent, revenons à nos moutons, c'est-à-dire à nos principes.
Les principes ne sont pas des recettes, mais des squelettes. A nous de les habiller de chair, à nous de les faire vivre. A nous de changer les mots en actes et de "marcher notre parole" (walk your talk).
Honneur n'est qu'un mot - sauf pour celui qui s'efforce d'en avoir un. Encore faut-il s'en faire une définition applicable... ce qui n'est pas forcément gagné. Personnellement, "honneur" me parle peu.
Mais "courage", oui !
Et pour d'autres, je suppose que "courage" ne dit rien.
Dans je ne sais plus quel livre-témoignage écrit par une adolescente, une scène m'a marqué.
Cette jeune fille se drogue (et elle a d'autres problèmes en plus de celui-ci). Son petit ami est complètement shooté sur le lit lorsqu'elle entre dans l'appartement. La vaisselle sale s'accumule dans l'évier en un gros tas immonde.
La jeune fille se dit : "soit je me pique moi aussi, et je rejoins mon copain dans son paradis artificiel, soit je fais la vaisselle."
Si elle avait fait ce qu'elle avait ENVIE de faire, je vous laisse imaginer son choix...
Mais elle a fait le choix courageux. Elle a lavé la vaisselle.
C'est depuis ce jour que (pour moi) "faire la vaisselle" est devenu synonyme de "faire preuve de courage".
Bien sûr, il y a d'autres manières d'être courageux... chacun a la sienne, comme chacun a la sienne d'être lâche. Mais on à beau dire, on a beau se chercher des excuses, des justifications, parfois aussi ridicules que "je suis un artiste" ou "c'est la faute à ma grand-mère", on sait très bien quand on fait le choix du courage et quand on fait le choix de la lâcheté.
C'est simple : le choix du courage n'a pas besoin d'être justifié. Et si certains peuvent ne pas comprendre, nous, du moins, n'éprouvons pas le besoin de nous en justifier à nos propres yeux. Au contraire, nous en sommes (intimement ou ouvertement) fiers.
Je change encore de sujet - peut-être que je reviendrai sur la question des principes tout à l'heure, mais ce n'est pas sûr.
J'ai terminé la lecture de "L'histoire de ma vie" de George Sand - le plus grand écrivain du dix-neuvième siècle, selon tous ceux qui le pensent (je suis sûre qu'il n'y a pas que moi).
Merveilleuse George Sand... (oui, c'est une femme malgré "George")
Voilà ce qu'elle écrit :
"N'étant pas une nature de diamant, je n'écris pas pour les saints. Mais ceux qui, faibles comme moi, et comme moi épris d'un doux idéal, veulent traverser les ronces de la vie sans y laisser toute leur toison, s'aideront de mon humble expérience et trouveront quelque consolation voir que leurs peines sont celles de quelqu'un qui les sent, qui les résume, qui les raconte et qui leur crie : "Aidons-nous les uns les autres à ne pas désespérer.
Et pourtant ce siècle, ce triste et grand siècle où nous vivons s'en va, ce nous semble, à la dérive ; il glisse sur la pente des abîmes, et j'en entends qui me disent : "Où allons-nous ? Vous qui regardez souvent l'horizon, qu'y découvrez-vous ? Sommes-nous dans le flot qui monte ou qui descend ? Allons-nous échouer sur la terre promise, ou dans les gouffres du chaos ?"
Et elle est toujours valable, la question :
Où allons-nous ?
Sommes-nous dans le flot qui monte ou qui descend ?
Mais peut-être, et c'est ce que George Sand n'a pas voulu voir dans sa bonté débordante, qu'il n'y pas de "nous" lorsqu'il s'agit de monter ou descendre.
Nous sommes tous, comme Sissi dans la bibliothèque verte, seul(e) face à notre destin.
Je ne peux pas vous sauver ; je ne peux même pas sauver les personnes que j'aime le plus au monde ; vous ne pouvez pas sauver ceux qui tiennent le plus étroitement à votre coeur ; mais - si vous êtes prêt à tout ce que ça implique - vous pouvez vous sauver vous-même.
Question de principe.
Question de choix.
J'imagine que ce post est déjà suffisamment long...
vous considérez-vous comme guéri ? c'est encore la question que je me pose...
RépondreSupprimerenfin des nouveaux articles !
RépondreSupprimerVous avez parlé de "chimères". OH ! Que voilà un beau sujet en rapport avec l'orgueil ! Que voyons nous dans ses entrailles ? "je veux devenir un artiste", "je veux faire comme [...] (au lecteur de mettre "son idole")". Et cette chimère, trop nourrie d'orgueil devient pesante et lourde à traîner avec nous.
RépondreSupprimerFaut-il pour autant la tuer ?
Je dirais plutôt : mettons là au régime !
Sachons : repérer l'orgueil qui ne demande qu'à pointer le bout de son nez une fois que l'on a fait des progrès, infimes ou significatifs. Ne le jetons pas mais sachons qu'il est là. Pour désenfler nos rêves, nos objectifs, plusieurs choses : l'organisation, "est-ce que ce centre d'intérêt ne prend pas le dessus par rapport à d'autres choses indispensabes ?", et le TRAVAIL : se donner des objectifs REALISABLES, s'organiser dans sa démarche artistique de façon rationnelle et logique. Dernier coup de pouce : l'échange, comme sur un blog comme celui-ci. Ca remet les idées à leur place autant que possible et à leur juste valeur.
Merci bien pour le travail que vous réalisez, Lucia.
Chris.