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22 septembre 2007

"Tout ça, c'est la faute au grand méchant loup !"

Lorsque les deux premiers petits cochons trouvèrent refuge chez le troisième, voici comment ils lui expliquèrent la situation :

« J’étais bien tranquille dans ma maison, dit le premier petit cochon, quand soudain j’entendis un bruit effrayant, comme si un ouragan approchait… et les murs se mirent à trembler ! Alors je jetai un œil par la fenêtre, et là, je vis le grand méchant loup qui soufflait comme un malade sur la maison ! A tel point que le toit s’envoila, que les murs s’envolèrent, et que je dus décamper à toute vitesse pour échapper à ses dents !... Et je n’ai même pas eu le temps d’emporter mes économies ou même un pull avec moi… Maintenant, à cause de lui, je suis S.D.F… J’ai tout perdu à cause de cette sale bête… Tout ça, c’est sa faute… Sale prédateur malfaisant ! »

Et le deuxième petit cochon, qui était du genre laconique, ajouta : "Pareil pour moi. Tout ça, c’est la faute du grand méchant loup. »

Ce que les petits cochons oubliaient de dire, c’est que les poumons d’un loup, même d’un loup grandiose et mythique comme le grand méchant loup, n’ont pas la capacité d’un ouragan. Si leurs maisons avaient été un peu plus solides, s’ils avaient construit leur demeure en pierre au lieu de la bâtir en paille et en bois, le grand méchant loup se serait époumoné en vain, et les petits cochons, à l’abri de leur sweet home, n’auraient pas dit : « C’est grâce à la chance… » mais bien : « C’est grâce aux murs solides que j’ai construit, c’est grâce à ma sagesse, grâce à ma prévoyance… »

A un moment ou à un autre, nous faisons tous l’erreur des petits cochons. Nous voyons le loup qui souffle et nous oublions les murs de paille… car le loup n’est pas de notre responsabilité, tandis que les murs le sont.

On parle alors (et les spécialistes eux-mêmes cautionnent ce point de vue étrangement myope) de dépression saisonnière… ou du bus qui était en retard : c’est à cause de lui que nous ne sommes pas à l’heure au rendez-vous… ou de la phrase blessante que nous a dit notre mère au téléphone, et qui nous a cassé le moral pour quatre jours…

Mais s’il suffit d’un petit nuage gris dans le ciel ou d’une averse pour que notre moral s’effondre et fonde, c’est qu’il était en sel ou en sucre.

Et s’il suffit d’une petite phrase pour nous mettre K.O., c’est que nous n’avons pas plus de résistance que Caliméro.

Et si un bus suffit à nous mettre en retard, c’est que nous sommes partis à la dernière minute, sans nous laisser la moindre marge de manœuvre.

Accuser le monde extérieur est agréable, confortable – mais à détourner les yeux de notre zone d’influence pour la tourner vers notre zone d’impuissance, nous nous enfonçons dans le victimat.

Si vraiment c’est la faute du grand méchant loup, et rien que la faute du grand méchant loup, alors il est inutile de construire une maison plus solide. Si tout est sa faute de à lui, alors rien ne dépend de nos choix à nous, et nous sommes de pauvres petits êtres qui subissent ce que le grand méchant monde nous impose, de pauvres petites choses impuissantes et meurtries qui peuvent seulement s’indigner : « Tout ça, c’est de sa faute !... »

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