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08 septembre 2007

Blabla médical

Lu sur le net :

« On estime que neuf fois sur dix, le suicide est relié à une forme de trouble mental, généralement la dépression. »

Et maintenant, cherchons le sens du mot dépression.

Dépression (nom féminin) : Perturbation du dynamisme de la vie psychique, qui se caractérise par une diminution plus ou moins grave de l'énergie mentale, une certaine pente de l'affectivité qui est marquée par le découragement, la tristesse, l'angoisse.

Autrement dit, la dépression c’est quand on a moins d’énergie pour réfléchir et qu’on se sent découragé, triste et angoissé.

Traduisons maintenant en langage non-médical la première phrase. Ça nous donne : « On estime que neuf fois sur dix, le suicide est lié à la confusion mentale, au découragement, à la tristesse et à l’angoisse. »

Autrement dit, les gens qui se suicident n’ont pas les idées claires, ils ne sont ni enthousiastes, ni joyeux, ni paisibles… Fascinante information, n’est-ce pas ? Et si surprenante !

Et pourtant lorsqu’on lit sans trop y réfléchir la phrase sous sa forme originelle (« On estime que neuf fois sur dix, le suicide est relié à une forme de trouble mental, généralement la dépression. »), on a l’impression qu’elle dit réellement quelque chose, qu’elle apporte une information.

C’est peut-être la référence à des statistiques, la présence de chiffres même s’ils sont très vagues, ou l’expression « forme de trouble mental » qui créent cette illusion…

On a ici affaire à une variété particulière de blabla : le blabla médical.

Le blabla médical, très apprécié et pratiqué dans certains cercles – suivez mon regard -, est un art assez facile à maîtriser. Il suffit de rebaptiser d’un mot obscur et inquiétant quelque réalité psychologique bien connue, puis d’annoncer que cette effrayante névrose au nom bardé de clous présente divers symptômes tous plus horrifiques les uns que les autres – parmi lesquels… la réalité psychologique bien connue en question.

Ainsi, la boucle est bouclée, le serpent se mord la queue, le raisonnement tourne en rond.

Exemple :

« On reconnaît le trouble bipolaire à plusieurs symptômes, parmi lesquels une fluctuation importante de l’humeur. »

Mais comme le trouble bipolaire se définit précisément par la succession de hauts et de bas, c’est comme si l’on disait : « On reconnaît une fluctuation importante de l’humeur à plusieurs symptômes, parmi lesquels une fluctuation importante de l’humeur. »

Transposé à un autre domaine, cela donne : « On reconnaît un match de foot à plusieurs signes, parmi lesquels un ballon rond que des joueurs en short frappent avec le pied. »

Dans le jardin fertile des troubles psychologiques, le blabla médical pousse à foison ; ses fleurs blanches ressemblent à s’y méprendre à de petites blouses de médecin, mais lorsqu’on les examine de près, on s’aperçoit que leur tissu est végétal : un leurre pour les insectes.

2 commentaires:

  1. Bonjour, je m'appelle Marion et je souhaiterais réagir à cet article. Vous dites que le jargon médical n'est que du bla bla, certes, cela arrive.Vous dites que la définition suivante: « On reconnaît le trouble bipolaire à plusieurs symptômes, parmi lesquels une fluctuation importante de l’humeur. » est inutile car: "le trouble bipolaire se définit précisément par la succession de hauts et de bas". Comment avez-vous pu définir le trouble bipolaire? Trouble bipolaire seul ne veut rien dire, il a bien fallu le définir au début en expliquant que cela correspond à une succession de hauts et de bas.J'espère que vous m'avez comprise et je souhaite préciser que ma remarque n'est en rien agressive car j'apprécie beaucoup votre blog, cet article y compris cet article.
    Merci

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  2. Bonjour Marion :-),

    et merci de votre commentaire.

    En fait ce que je voulais dire, c'est que le terme "troube bipolaire" n'apporte quelque chose d'intéressant qu'à condition qu'il recouvre plus que "changement d'humeurs" - Car sinon, c'est juste un synonyme savant de mots qui existent déjà dans le vocabulaire courant.

    Si par exemple, les psys reconnaissaient, identifiaient une maladie mentale à des changements d'humeurs, autrement dit si ces changements d'humeurs étaient le symptôme d'un autre problème caché qu'ils avaient identifié, problème qu'on pourrait soigner de telle ou telle manière, et qu'on aurait nommé "trouble bipolaire", le mot serait effectivement utile car il correspondrait à une information nouvelle.

    Mais le "trouble bipolaire" c'est seulement ce qui est impliqué par la définition de chacun des mots : "trouble" pour mal-être ou malaise et "bipolaire" pour l'idée de deux pôles, l'un vers le haut et l'autre vers le bas.

    Donc c'est bien l'idée des montagnes russes qui est dans les mots "trouble bipolaire" : souffrir d'un trouble bipolaire, c'est simplement avoir un moral en montagne russe, parfois euphorique et parfois désespéré...

    Ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas expliquer un problème par ce problème lui-même.

    Par exemple, on ne peut expliquer les raisons pour lesquelles le pavot endort en disant qu'il endort grâce "à sa vertu dormitive", puisque c'est une façon de dire qu'il endort parce qu'il endort.

    De même, on ne peut pas expliquer des changements d'humeur par un "trouble bipolaire", puisque c'est une manière de dire qu'on a des changements d'humeur parce qu'on a des changements d'humeur.

    Si, par exemple, les psys ou les docteurs expliquaient un changement d'humeurs par un déséquilibre de la thyroïde (je prends cet exemple au hasard), ils expliqueraient effectivement quelque chose - mais encore faudrait-il prouver que c'est le déséquilibre de la thyroïde qui a eu lieu avant le changement d'humeur et non l'inverse, car il se pourrait aussi que des états d'âme négatifs se répercutent sur le fonctionnement de la thyroïde.

    Bref : les mots "trouble bipolaire" veulent bien dire quelque chose, même hors contexte, et en contexte, on s'aperçoit que c'est bien le sens normal des mots qui est valable dans cette expression.

    Si, comme vous le supposez, ce mot n'avait été qu'un support pour "définir au début" un problème qu'on connaissait encore mal, et que les docteurs avaient ensuite identifié la racine réelle de ce problème, ils auraient donné un nom nouveau à ce qui aurait été une découverte importante - mais ils ne l'ont pas fait.

    Un moral en dents de scie n'est qu'un symptôme - de même que les boutons sont un symptôme.

    Or, de même qu'on peut avoir des boutons pour toute sorte de raisons (rougeole, adolescence, peste, etc., etc.), il se pourrait qu'un moral en dents de scie ait des explications diverses, et que pour Paul, l'origine de ce moral variable soit X, alors que pour Antoine, l'origine, toute différente, est Z.

    Donc le mot "trouble bipolaire" donne un nom savant et compliqué à quelque chose qui est simplement le signe, le symptôme d'un problème encore non-analysé et inconnu...

    N'hésitez pas à me poser d'autres questions, à propos de ce sujet ou d'autres, si ce n'est pas parfaitement clair.

    Amicalement,

    Lucia

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