Recevez gratuitement les 20 premières pages du TRESOR + LA LETTRE BLEUE


 

31 août 2007

Le problème avec la psychanalyse...

On m’a déjà reproché d’avoir un point de vue trop négatif sur la psychanalyse : certaines personnes ont été « sauvé » par elle. C’est génial quand ça arrive, et je m’en réjouis à tous points de vue – mais pour en tirer des conclusions positives sur la psychanalyse en général, il faudrait savoir d’où est venu le soulagement : de la psychanalyse ou du psychanalyste ?... du psychanalyste en tant que psychanalyste, ou de l’être humain qui excède ou même contredit les limites de cette identité ?...

Voilà ce que le François Roustang, analyste et thérapeuthe[1], dit à propos de la psychanalyse :

« Si vous êtes capable, sans avoir jamais fait de ski, de vous lancer sur une piste noire, vous êtes de taille. Sinon, évitez. […] J’ai reçu des centaines de personnes qui, après des années de divan, étaient profondément déprimées. »

C’est tout de même intéressant… en général, on suppose qu’une psychanalyse sert à aller mieux. Après tout, on paye pour ça… et en général, quand on paye, c’est qu’on espère un bénéfice quelconque. Et là, on apprend de la bouche même d’un spécialiste, qu’une psychanalyse sert à aller plus mal : c’est pour quoi elle est réservée aux forts.

Mais dans quel but quelqu’un de fort donnerait-il son argent pour qu’on lui sabote le moral ?... Telle est la question, et il va être difficile de lui trouver une réponse satisfaisante.

Pour comprendre pourquoi et comment la psychanalyse conduit ou enfonce dans la dépression, ou du moins pourquoi c’est très souvent l’effet qu’elle a, on doit se souvenir de la manière dont se déroule une séance de psychanalyse.

Le client, pardon, le patient a quelque chose qui ne va pas. Dans un lieu mal éclairé, subtilement glauque, il parle non seulement de ce quelque chose qui ne va pas, mais de toute sa vie, livrant son intimité la plus intime à un sphinx qui ne livre en échange que des « hum », des « et ?... » ou des : « continuez. ». La relation est profondément inégalitaire, et donc déstabilisante : on se met à la merci d’un être encarapacé et caparaçonné dans son rôle, solidement barricadé dans son identité sombre et énigmatique de psychanalyste. Dans le pire des cas, cet être mystérieux, et certainement tout puissant, est invisible, planqué derrière nous qui gisons passivement à l’horizontale, tel le pauvre malade impuissant que nous sommes en train de devenir de plus en plus, sans le savoir…

Ce que je décris, ce n’est pas simplement un cliché : c’est une réalité qu’on vécut bien des gens, moi y compris.

Le psychiatre qui m’a… euh… aidé ?... non, ce n’est pas le mot… qui m’a… bref, le psychiatre que je voyais à l’hôpital psychiatrique lors du séjour que j’y ai fait était du genre bien caché.

D’ailleurs, est-ce que vraiment je l’ai « vu » ?...

Il se cachait derrière une barbe et une moustache buissonnantes ; il se cachait aussi derrière la fumée de son cigare (qui me dérangeait peut-être, mais il était largement au-dessus de ce genre de considérations) ; il se cachait enfin par une savante utilisation du contre-jour. La fenêtre de son bureau étant placée derrière sa tête, je ne voyais de son visage qu’une forme sombre, tandis qu’il voyait en plein mon visage transparent, où toutes les émotions se lisaient en gros caractères.

Lorsqu’il venait me chercher dans la salle d’attente, il avait une manière inimitable de m’inviter à le suivre : pas un mot, pas une poignée de main, pas un sourire, mais un mouvement en biais du menton qui désignait successivement moi et la porte, et qui signifiait quelque chose comme : « allez, à l’abattoir, c’est l’heure !... »

Revenons à la psychanalyse. En quoi consiste-t-elle, la moitié du temps ?... A ressasser ses mauvais souvenirs. A les repasser au ralenti. A appuyer sur « pause » pour examiner de plus près une image particulièrement pénible. A revivre le pire encore et encore, à la recherche de ce qui explique, justifie, confirme, permet de comprendre le pire en question.

Est-il vraiment étonnant qu’on sorte d’un tel exercice démoralisé ?...

Selon les découvertes scientifiques les plus sérieuses de ces dernières années, plus on se remémore un souvenir, et plus celui-ci prend de l’importance dans notre mental. C’est comme un champ de blé : plus on repasse et repasse sur le même trajet, plus un chemin s’y dessine. En se remémorant à haute voix, et devant quelqu’un, nos mauvais souvenirs, on leur accorde une importance qui les fait enfler, grossir : c’est un peu comme si on faisait rouler une boule de neige… avec le temps, elle devient de plus en plus importante. Si on se livre à cet exercice pendant des années, on récolte forcément les fruits amers d’une telle habitude…

Inversement, si on se remémore, à haute voix et devant quelqu’un - quelqu’un de bienveillant qui croit en nous en en nos capacités, qui nous encourage - nos bons souvenirs, les souvenirs de nos succès passés, de nos réussites, nous allons les voir progressivement prendre du poids. Et notre image de nous-même, et notre mental, s’en trouveront très naturellement améliorés.

Mais ce n’est pas ça qu’on fait lors d’une psychanalyse – ou alors, c’est qu’on est tombé sur un psy exceptionnel, qui s’est nourri certainement de lectures non-orthodoxes et qui s’est éloigné de la ligne du partie… d’un dissident, en somme.



[1] « L’unité du corps et de l’esprit », interview de François Roustang par Ursula Gauthier, parue dans Le Nouvel Observateur, no1890, 25-31 janvier 2001

1 commentaire:

  1. Bonjour Lucia,

    Je souhaite réagir à cet article car j'ai démarrer une psychanalyse il ya 10 mois. Tout d'abord mon psy n'est pas du tout comme celui que vous avez connu (et heureusement apparemment!) et je suis assise en face de lui, donc les séances ne se déroulent pas comme vous le décrivez pour vous. De plus, mon psy ne se contente pas de dire "hum.." ou autre, il y a un réel échange entre nous deux. Peut-être suis-je tombée sur la perle rare des psy(lol) dans ce cas j'en suis bien heureuse!! En tous cas j'ai beaucoup évolué avec lui (en bien) donc je pense que les différentes méthodes qui existent pour soigner le mental ne conviennent pas à tout le monde et que chacune a une méthode qui lui convient le mieux.

    Voilà, peut-être que cela vient aussi du fait que mon psychanalyste est également psychothérapeute et non psychiatre.

    Pour finir, je voulais vous demander ce qui vous avait aidé, vous, à résoudre vos problèmes.

    Marion

    PS: félicitations pour votre blog que je trouve très bien rédigé et très intéressant.Je lirais volontiers votre livredès que possible.

    RépondreSupprimer