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22 juillet 2006

Le vilain petit canard

Le conte du vilain petit canard est d'une magnifique simplicité.

On peut le lire comme une parabole, une allégorie. La différence extérieure, concrète, du vilain petit canard symbolise une différence plus intérieure, invisible et subtile.

Cette différence isole le vilain petit canard de ceux qu'il prend pour ses frères et soeurs, et qui sont en réalité d'une autre espèce que lui.

Au début de sa vie, chacun de nous prend pour acquis que le monde extérieur, les adultes qui nous entourent savent ce qu'ils font, sont détenteurs d'une grande sagesse et de grandes connaissances sur l'existence. Cette confiance fait que, s'il y a un désaccord profond et informulé entre eux et nous sur le sens de la vie, sur ce qui est important et ce qui ne l'est pas..., nous croyons naturellement que c'est nous qui avons tort et eux qui ont raison.

Par la force des choses, et parce que nous n'avons encore qu'une intuition, un sentiment intérieur (la différence innée du vilain petit canard) à opposer à leurs certitudes bien établies, vieilles de plusieurs années ou parfois même de plusieurs générations, transmises sans anicroche comme un héritage familial, nous supposons qu'ils sont dans le vrai, et nous, dans le faux.

Cette contradiction entre ce que l'on sent à l'intérieur et ce que l'on voit et croit à l'extérieur, va générer de la souffrance morale.

Même si le vilain petit canard était adoré et respecté par sa famille (mais cela ne risque pas d'arriver, car il est trop différent d'eux pour leur plaire), il ne serait pas heureux. Il se sent différent et promis à un destin différent, et comme il est incapable de comprendre cette différence ou d'imaginer ce destin, il souffre de sa spécificité comme d'une maladie honteuse.

Imaginons que le vilain petit canard ne quitte jamais la ferme où il est éclos : il ne découvrirait jamais sa véritable nature, et pataugerait toute sa vie dans une flaque en se prenant pour un canard raté, une erreur de la nature. Il ne deviendrait jamais un vrai canard, n'ayant pas ce qu'il faut pour ça, et ne deviendrait jamais non plus ce qu'il est destiné à être : un cygne.

Et peut-être qu'un de ces jours, il essaierait de se noyer dans la mare...

La souffrance psychologique et morale ne signifie pas qu'on s'est cassé un neurone ou foulé le cervelet, ou qu'un mystérieux déséquilibre hormonal est venu chamboulé notre tête, mais plutôt qu'on doit sortir d'une manière ou d'une autre de la ferme familiale, de l'univers de référence qu'on a reçu en héritage et où l'on souffre, enfermé.

Si pour un canard "normal", la demeure ancestrale est un paradis, pour un vilain petit canard (pour un cygne à venir) elle est une prison étouffante : sa vérité l'attend ailleurs.

2 commentaires:

  1. "Cette contradiction entre ce que l'on sent à l'intérieur et ce que l'on voit et croit à l'extérieur, va générer de la souffrance morale."

    Merci pour ça. Je l'avais compris, mais comme j'ai encore tendance à croire que ce sont les autres qui ont raison, ça fait du bien d'avoir une confirmation.

    C'est idiot d'ailleurs, les autres auxquels je fais allusion, qui ont "raison", sont tous en souffrance… Et j'aurais dû m'en apercevoir avant.

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  2. Il aimerait pas un peu trop les autres monsieur canard lui ?

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