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05 septembre 2006

Nul - Qu'est-ce qui manque ?

Lorsqu'on est déprimé, gravement déprimé, on peut s'expliquer à soi-même ce mal être de deux manières très différentes :

- soit on pense qu'on est nul, qu'on n'a pas de place sur la terre, qu'on est un cafard minable et cafardeux, et que ce dont on souffre, c'est de voir lucidement cette insoutenable réalité-là.

- soit on pense que si on se sent nul, si on a l'impression qu'on n'a pas de place sur la terre, et qu'on a la nette sensation d'être un cafard minable et cafardeux, c'est qu'il nous manque quelque chose d'essentiel.

Si on en reste à la première "explication" [je souffre d'être nul et d'en avoir conscience] on n'a aucune raison de sortir de son lit, sauf pour se suicider.
Mais en fait, cette interprétation du problème - car ce n'est rien de plus qu'une interprétation - présente une incohérence interne qu'on ne voit pas lorsqu'on est déprimé.
Voici l'incohérence : si vraiment on était rien d'autre qu'un minable cloporte, pourquoi le fait d'en avoir conscience ferait-il mal ?... Une vraie punaise ne souffre pas d'être une punaise. Une vraie serpillère ne souffre pas d'être une serpillère.

Tout le monde ou presque, est d'accord pour admettre que "se connaître soi-même" est l'une des clefs du bonheur : si l'on était vraiment cet être dénué de toute valeur qu'on se croit être, le fait de s'en rendre compte ne serait pas douloureux, mais libérateur et apaisant. Or... la "lucidité" dont on se croit doté, et qui n'est peut-être qu'une forme particulièrement subtile et retorse d'aveuglement, blesse au lieu de guérir.

Prenons le cas par exemple de quelqu'un qui est prof de math, mais dont la vocation réelle est la boulangerie. Etant issu d'une famille de profs de maths, il a suivi ce chemin sans se poser de question. Un jour, à la suite d'un événement ou d'un autre, il a une prise de conscience : son truc, ce n'est pas les maths, c'est les croissants.
Il y a forcément quelque chose de libérateur dans cette soudaine révélation de son identité réelle : il comprend maintenant pourquoi les corrections de copie lui paraissaient si ennuyeuses, et se décide peut-être à se lancer dans l'aventure et à ouvrir une boulangerie.

Si vraiment on était "rien", on serait soulagé et heureux d'en prendre enfin conscience. Or, ce n'est pas le cas : on souffre au contraire grandement de cette idée, de cette croyance qu'on est nul.

Envisageons maintenant la deuxième explication : si on sent nul, faible, incapable, fatigué... c'est qu'il nous manque quelque chose d'essentiel. Quelque chose qui nous permettrait de nous sentir fort et paisible. Car effectivement, il n'y a pas trois mille possibilités :

1/soit nous sommes intrinsèquement nuls et rien n'y pourra rien changer ;

2/soit il nous manque quelque chose pour exploiter notre valeur, notre potentiel. Un peu comme un TGV sur un chemin de terre battue : le TGV est un excellent train, mais il lui manque quelque chose d'essentiel pour montrer sa valeur (des rails). Ou comme un astronaute qui n'aurait à sa disposition qu'un vélo : il ferait certainement un piètre cycliste. S'il donne aux autres et à lui-même l'impression d'être nul, c'est qu'il lui manque quelque chose d'essentiel pour être pleinement lui-même (une navette spatiale).

Cette seconde explication-là a deux mérites : premièrement elle est logique, deuxièmement elle pousse à l'action, elle pousse à chercher ce quelque chose qui manque.

Qu'est-ce qui manque ?...

Certains disent : certaines hormones ou substances chimiques. Un médicament nous apportera donc ce qui nous manque.

Certains disent : un métier plus satisfaisant, répondant à nos aspirations profondes. Un changement professionnel nous apportera donc ce qui nous manque.

Certains disent : un conjoint aimant. On en cherchera donc un, ou l'on se débarrassera de celui qu'on a déjà pour en chercher un autre.

Certains disent : la connaissance et l'amour de soi. On s'introspectera donc avec l'aide d'un psy ou d'un journal intime, pour gagner cette connaissance de soi qui nous manque.

Certains disent : des parents aimants, une enfance heureuse. Mais comme le passé est définitivement révolu, c'est comme si on disait : "Il me manque ce que je n'ai jamais eu, et que je n'aurai jamais".
Autrement dit, c'est foutu.

Certains disent... etc.

Et si ce qui manque était plus essentiel, plus subtil, plus solide et plus grand que tout ça ?

4 commentaires:

  1. Pas mal du tout cet article.

    C'est ce que je pensais avant,
    que j'etais nul, maintenant je pense que c'est ce qui m'entoure qui est nul, ça rejoins les mêmes idées ?

    Ouai il faut trouver sa voix, quelque chose que l'on aime faire et pas quelque chose que les autres nous ont destinés a faire.

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  2. "maintenant je pense que c'est ce qui m'entoure qui est nul" - et bien oui, au fond c'est un peu la même idée, effectivement.

    Ce qui implique peut-être, que ce qui sera la solution pour soi, ne sera peut-être pas apprécié par le monde qui nous entoure.

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  3. tout a fait vrai en ce qui me concerne

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  4. je suis éperdue d'admiration devant le parcours de ta pensée, ton intelligence, ta sérénité intellectuelle, la clarté de ton raisonnement, la douceur que laisse tranparaitre chacune de tes phrases, ta sagesse enfin...

    écris moi a cette adresse: happymag@cegetel.net

    je serais heureuse de te connaitre

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