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27 août 2006

Les idées qui rendent dépressif (1 : le matérialisme)

A une époque, une publicité mettait en garde contre l'auto-médication : on voyait des petites gélules qui irradiaient une lumière mystérieuse, symbole de leur (dangereux) pouvoir.

Une voix sépulcrale annonçait "les médicaments sont des produits ACTIFS, ne faites pas joujou avec", ou quelque chose de ce genre...

Et c'est vrai que lorsqu'on voit une pilule blanche, si petite et si neutre d'aspect, on a du mal à faire un lien entre son apparence anodine et ses effets sur la santé... C'est pourtant avec des petites gélules de ce genre qu'on guérit - et parfois qu'on meurt, selon le contenu de la gélule.

Les idées aussi, se présentent sous une apparence quelconque, inoffensive : des petits signes noirs sur des pages blanches, des phrases enfilées à la suite des unes des autres dans des livres ou des magazines. Rien de spectaculaire ou d'impressionnant ; rien d'effrayant non plus.

Et pourtant - comme les gélules médicamenteuses - ces phrases ont un pouvoir, et si on avait le don de double vue, on verrait l'aura qui les entoure : parfois un halo glauque et inquiétant, parfois un éclat froid et glacé, parfois - mais c'est beaucoup plus rare - une chaude lumière dorée.

Les idées sont des produits actifs.
On les goûte lorsqu'on entre en contact avec elles, et on les avale lorsqu'on les croit. Une fois assimilées par notre organisme (par notre tête), elles agissent en nous et nous transforment de l'intérieur, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire.

Certaines agissent comme d'excellents aliments bios qui renforcent notre système immunitaire, et d'autres comme des virus particulièrement vicieux et dévastateurs. Ce qui rend la vie si compliquée, c'est qu'on sait rarement à l'avance quels seront leurs effets.

Ainsi il y a toutes sortes d'idées, ayant toute sorte d'impact sur ceux qui y croient : des idées qui rendent fort, des idées qui affaiblissent, des idées qui rendent fous, des idées qui rendent dépressif, etc.

Pour l'instant, concentrons-nous sur les idées qui rendent dépressif.

Les idées qui appartiennent à la famille des Idées-qui-rendent-dépressif sont innombrables : on peut dire que c'est une véritable dynastie, une mafia tentaculaire. Impossible donc d'en faire le tour en quelques lignes.

Cette grande et puissante famille se subdivise en (au moins) deux branches très différentes. Les idées qui appartiennent à la première branche n'ont semble-t-il rien en commun avec les idées de la deuxième branche... mais il s'agit tout de même de la même famille, puisque les unes comme les autres poussent au désespoir.

La première branche est celle des idées matérialistes. Mais attention ! ce ne sont pas toutes les idées matérialistes qui poussent au désespoir. Ainsi le communisme (qui est un matérialisme dialectique) n'entre pas dans cette catégorie.

Pour qu'une idée matérialiste rende dépressif, il faut que :
- elle insiste sur l'absurdité irrémédiable de la condition humaine et son insignifiance ;
- elle définisse l'être humain comme un bipède sans plume (définition débile proposée par un philosophe de l'Antiquité) ou comme un singe nu, sans poil (darwinisme et néo-darwinisme) ;
- elle soutienne mordicus que la conscience n'est qu'une réaction chimique et que la mort est la fin de tout ;
- elle méprise au nom d'un rationnalisme étroit tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une croyance en l'invisible ;
- elle souligne le rôle du "hasard" et des "mutations aléatoires" dans l'apparition de la vie en général et de l'espèce humaine en particulier ;
- elle présente la morale comme le résultat d'un processus adaptatif ou comme un calcul égoïste (j'aide les autres pour qu'ils m'aident et parce que c'est l'intérêt de l'espèce) ;
- elle décrit l'amour comme un leurre, une sublimation bidon de pulsions sexuelles complètement primaires ;
- elle considère "la lutte pour la survie" et la "loi de la jungle" comme naturels, inévitables et plutôt positifs, même dans les sociétés humaines.

Il n'est pas exclu qu'on trouver des gens qui croient à tout ça et qui, pourtant, gardent le moral. Mais comme l'effet des idées qui rendent dépressif (comme d'ailleurs de n'importe quelle idée) n'est pas instantané, c'est sur le long terme qu'il faut en juger : ceux qui continuent à croire à tout ça pendant dix ans, vingt ans, trente ans, arrivent-ils à conserver leur optimisme intact ?...

Ce serait un véritable exploit.

Si nous prenons un échantillon d'humanité qui croit à un bon nombre des idées sus-mentionnées, je parle de Michel Houellebecq, et que nous examinons sa vie et son état d'esprit, nous constatons que :

- L'échantillon d'humanité en question tombe en dépression en 1980. Il séjourne ensuite à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique.
- Lorsqu'on consulte son blog au hasard, on tombe tout de suite sur ce genre de phrase : "Je n’en peux plus. Je souffre trop. J’arrête. Je mets fin. Cette fois, je suis vraiment fatigué. Je n’y crois plus." "J’essaie de refermer la boucle, d’annuler les traces de quelque chose ou de quelqu’un, d’un être malencontreux, embarrassé de lui-même, d’un être en somme qui n’aurait pas du être.
Je n’ai pas eu une vie heureuse."
- Il avoue lui-même avoir d'énormes difficultés à sortir de son lit le matin.

Mais comme un exemple ne prouve rien, examinons rapidement une autre personnalité qui a cru, peu ou prou, aux idées matérialistes évoquées ci-dessus : Schopenhaur.

Le philosophe disait : "La vie de l'homme oscille, comme un pendule, entre la douleur et l'ennui", "toute vie est par essence douleur" ou encore : " Notre état est si malheureux qu'un absolu non-être serait bien préférable."
Evidemment, il faut traduire par : "Ma vie oscille entre douleur et ennui et moi, Schopenhaur, je suis si malheureux que je préferais ne pas être..."

Il y a lien direct entre les idées matérialistes auxquels Schopenhaur adhérait, et sa dépression (non diagnostiquée comme telle, parce qu'elle se présente sous une emballage philosophico-objectif).

Le matérialisme est un tee-shirt sans manche : à la moindre averse, on se prend la saucée.
Car si la vie absurde d'un bipède déplumé ou d'un singe épilé est justifiée par son plaisir de vivre, dès que le plaisir cesse, elle perd toue légitimité. Or, il ne fait pas toujours beau... lorsqu'on croit à toutes les idées exprimées ci-dessus, on n'a rien qui permette de résister dans l'adversité.

Un navet insignifiant n'est supportable que s'il est distrayant ; lorsque le film n'a aucune profondeur, et qu'en plus il est triste, on n'a qu'une envie : zapper.

Lorsqu'on croit que la vie est absurde et qu'on est seulement un petit amas de matière apparu par hasard et promis à une annihilation définitive, et qu'en plus, on a des problèmes (et qui n'en a pas), on a de même qu'une envie : zapper.

Qui est prêt à supporter une existence à la fois absurde, et sinistre ?... Et si elle est absurde, c'est-à-dire si on croit qu'elle est absurde, elle devient très vite sinistre.

En effet la tête de l'être humain a besoin de logique comme son ventre a besoin de pain. Le sens, la cohérence, les relations de causalité, les explications qui expliquent vraiment... tout cela est la nourriture naturelle du cerveau humain, son carburant. L'absurde ne convient pas mieux à l'esprit humain, que le vin ne convient à un moteur diesel.
Lorsqu'on est persuadé que rien n'a de sens (et en particulier, que notre propre existence n'en a pas), l'esprit est frustré de sa pitance : à un certain niveau, on meurt de faim.

Le plus étonnant, dans l'histoire, c'est que lorsqu'on croit à toutes ces idées désespérantes, on n'a aucune envie de changer de croyance. On s'imagine que si l'on souffre, c'est précisément parce qu'on est dans le vrai : le fait que nos propres croyances nous laisse un goût immonde dans la bouche et une nausée persistante (chez Houellebecq par exemple, on vomit beaucoup) serait précisément le signe qu'elles sont vraies, qu'elles reflètent la réalité comme un miroir fidèle.

Selon ce point de vue, la vérité aurait sur l'esprit le même effet qu'un poison a sur le corps. Et cette dernière idée vient compléter les autres, ajoutant ainsi la dernière pierre à la Maison du Désespoir Matérialiste, une bâtisse sans fenêtre dont la porte ne s'ouvre que dans un sens : qui y entre, n'en sort plus jamais.

8 commentaires:

  1. Tu dis: ce qui rends depressif:

    - elle définisse l'être humain comme un bipède sans plume (définition débile proposée par un philosophe de l'Antiquité) ou comme un singe nu, sans poil (darwinisme et néo-darwinisme) ;
    - elle soutienne mordicus que la conscience n'est qu'une réaction chimique et que la mort est la fin de tout ;

    Alors tous les scientifiques qui ont etudiés le raisonnement de la vie seraient depressifs ?

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  2. Peut-etre que ceux qui croient avoir etait conçu par la nature sont plus depressifs que ceux qui croient avoir etait conçu par un dieu, parce qu'ils ont tout simplement plus conscience du monde qui les entourent, toutes ce mal etre sur terre, qui fait de notre éspèce avancée celle de toutes les maladies.

    Alors faut-il se forcer a croire en un dieu pour aller mieux je ne crois pas, seulement essayer de trouver la voix de la paix interieure, aider les autres, avoir des activités collectives, s'enrichir l'esprit.. suffit largement (d'apres moi)

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  3. Bonjour Eipho,

    non tous les scientifiques qui étudient la vie ne sont pas dépressifs... d'abord parce qu'effectivement, le matérialisme pur ne rend pas forcément dépressif (il faut plusieurs idées qui se combinent pour arriver à ce résultat), et ensuite parce que bon nombre d'entre eux arrivent précisément à la conclusion que la vie n'a pas pu apparaître par hasard - cf les très nombreux ouvrages, malheureusement pas traduits en français, qui dénoncent les failles de la théorie de l'évolution.

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  4. On ne peut pas se forcer à croire en quelque chose qui nous parait faux : on croit à ce qu'on pense être vrai.

    Ce n'est pas parce que ceux qui croient que l'être humain est le cousin d'un singe sont plus conscients du monde qui les entourent qu'ils souffrent, enfin en tout cas de mon point de vue, mais plutôt parce qu'ils n'intérprètent pas les événements de la même façon : dans une perspective strictement matérialiste, toute souffrance est absurde et donc, rapidement insupportable.

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  5. C'est si beau ce que tu écris!
    merci pour cette douce lecture...

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  6. Bing. Je viens de me prendre une baffe dans la figure, là. Jusqu'ici dans la lecture, tout allait bien, ou presque.

    Et voilà. A l'exception du hasard, auquel je ne crois pas, on dirait bien que je suis matérialiste.

    Pourtant, je n'adhère pas vraiment à l'idée que la vie est absurde. Tout ce qui existe a un sens et une fonction. Sinon, ça n'existerait pas, ou plus. Un essai raté en quelque sorte.

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  7. Darwin, Nietzsche, Schopenhauer sont mes Auteurs préférés et pourtant je ne suis pas dépréssif:
    le fait d' avoir évolué sur des millions d' années de l' être unicellulaires à l' être humain qui lui non plus n' a pas encore fini d' évoluer ne m' attriste pas mais au contraire me rends heureux en me montrant la beauté de la Nature; le " deviens ce que tu es " de Nietzsche est aussi très motivant; pour ne citer que celà...
    bref la connaissance à toujours été positive d' où qu' elle vienne, il suffit de prendre du recul...

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