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28 juin 2006

Est-ce que je suis normal ?...

La plupart des gens qui souffrent psychologiquement se demandent s’ils sont normaux, ou se sont répondus à eux-mêmes (témoignages de leurs proches à l’appui) qu’ils ne le sont pas.

Non seulement on souffre, mais cette souffrance nous fait sortir à nos propres yeux de ce qui est sain, naturel... normal. Et c'est ainsi qu'on se retrouve prisonnier, parfois à vie, de l'autre catégorie, la catégorie "anormal".

Pour quelques bouffées délirantes, pour une morosité qui dure, pour des angoisses incompréhensibles, pour des pensées suicidaires et des idées bizarres, on se retrouve parqué avec les trisomiques, le mouton à deux têtes, la femme à barbe et Jack l'éventreur : ce sont les handicapés mentaux, les monstres et les fous que l'on juge "anormaux".

On peut toujours essayer de renverser le "moins" en "plus", de valoriser cette anormalité, d'y voir le signe d'une destinée exceptionnelle, mais ça ne fait que renforcer la sensation d'être seul au monde... Et ça conduit à développer un complexe réversible, à la fois d'infériorité et de supériorité, qui est une prison de plus :

"Je suis anormal (infériorité)... parce que je suis un génie incompris, un artiste méconnu, etc. (supériorité)."

C'était le discours que je me tenais à moi-même, comme beaucoup d'autres... Qu'on se demande avec anxiété "suis-je normal?" ou qu'on ait répondu à cette question : "Je ne le suis pas et j'en ai honte" ou : "Je ne le suis pas en j'en suis fier, enfin j'essaie", dans tous les cas, cette notion de "normalité" est une épine, une écharde douloureuse plantée profondément dans l'ego.

Pour une fois, détournons les yeux de la douloureuse "anormalité" pour examiner la "normalité".
Concrètement, c’est quoi, une personne normale ?

Selon la définition courante, une personne normale est une personne qui dort bien, mange bien, rit souvent, et surtout ne se pose pas la moindre question métaphysique.

Ou peut-être qu’elle s’en est posé jadis, mais elle a décidé une bonne fois pour toute qu’ « aux questions les plus importantes, il n’y a pas de réponse », et donc qu’il est inutile de s’y casser la tête. C’est-à-dire que cette personne normale vit exactement comme un animal (je ne dis pas ça pour critiquer les animaux) : elle mange, dort, aime, se reproduit… et c’est tout.

En gros, une personne normale présente la même joie de vivre, et la même absence de réflexion, qu'un canard ou un chat. Elle se satisfait parfaitement d’une existence dénuée de sens. Les plaisirs des sens – au pluriel – lui suffisent.

On peut bien sûr juger la condition animale très supérieure à la condition humaine - c'est d'ailleurs le point de vue de la plupart des gens -, mais il n'empêche que les êtres humains ne sont pas des animaux, et que les gens normaux qui vivent sans se poser de question sont beaucoup plus proche de la condition animale que de la condition humaine.

Si la normalité n'est qu'une absence de questionnement (ce qui semble bien être le cas), alors l'être humain normal est celui qui se satisfait pleinement de sa condition de bipède sans poil.

En effet ceux qui se posent des questions – des questions un peu plus profondes que « qu’est-ce que je vais manger ce soir ? » – sortent très vite de la norme. Ils dorment mal, mangent mal, rient trop ou pas assez, et sont de plus en plus tracassés, angoissés. En effet, les (bonnes) questions qu’ils se posent restent sans réponse convaincante.

Cela peut signifier deux choses :

1/Ils ont tort de se poser des questions et devraient eux aussi imiter les chats, chiens, lapins, ornithorynques, etc.
2/Ils ont raison de se poser des questions, mais les réponses sont bien cachées, et peut-être qu'ils ne les cherchent pas au bon endroit...

1 commentaire:

  1. "C’est-à-dire que cette « personne normale » vit exactement comme un animal (je ne dis pas ça pour critiquer les animaux)"

    ça jadore!

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