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17 juillet 2008

Excroissance

Vous avez déjà eu cette sensation ?... Celle de ne pas exister ; d'être loin, très loin de soi... Et quand le téléphone sonne dans un rêve, la personne qui nous parle à l'autre bout du fil, celle que l'on n'arrive pas à identifier, c'est nous-mêmes.

Lorsque j'avais 25 ans, j'ai rencontré une étudiante (de lettres, comme moi) qui était toute ronde, qui portait des robes colorées, et qui parlait, marchait... d'une manière naturelle.

Moi, j'étais mince, vêtue de gris ou de beige. Et je m'ennuyais sans trop oser en prendre conscience à des conférences si soporifiques que les professeurs qui y assistaient s'y endormaient pour de bon.

Il FALLAIT que j'y assiste - je ne sais même plus pourquoi...

Sur les photos de l'époque, je suis vraiment jolie et je souris. Mais ces photos-là me rappellent comment j'étais à l'intérieur, comment je me sentais, ou plutôt, comment je ne me sentais pas.

Je n'existais pas.

Et pourtant, j'étais née depuis pas mal d'années déjà... mais à l'époque, je croyais que je n'existais pas. Une simple excroissance de ma mère, son clone.

Une expression me faisait rêver, à l'époque : "forte personnalité".

Pour moi, il y avait tout un monde de désirs inassouvis et d'aspirations confuses dans ces deux mots.

J'étudiais une femme de lettres, philosophe du XVIIe siècle que tous les critiques littéraires méprisaient. Je m'identifiais à elle - je m'identifiais à n'importe qui, pourvu que ça ne se soit pas à moi... Comment s'identifier à soi-même, comment coïncider avec soi-même lorsqu'on n'est pas soi, et qu'on ne sait même pas qui c'est, "soi" ?

Cette étudiante de lettres ronde, colorée et naturelle m'a renvoyé douloureusement à la figure que ce que j'incarnais n'était qu'un joli, poli, et très conventionnel... mensonge.

J'aurais dû être comme elle - je le sentais.

Ronde, colorée, et naturelle ! Et je n'étais que cette espèce de pseudo-créature faisant semblant d'exister, faisant semblant d'être, ce vide intérieur caché par une façade plaisante à l'œil. Un leurre pour qui ?... Pas pour moi en tout cas, plus pour moi en tout cas, je n'arrivais plus à être ma dupe.

Après ces considérations autobiographiques en guise d'introduction, le thème du jour : l'existence.

Nous existons. Nous sommes là - et nous avons le droit d'y être. Notre présence est parfois contestée, parfois contestée par les autres, et parfois contestée par nous-mêmes, parfois niée, refoulée, oubliée, mise entre parenthèse... mais nous existons. Nous ne sommes pas simplement ce regard qui se porte sur un écran, cette imagination qui se perd dans un rêve : nous sommes cet être précis, cette liberté au carrefour des possibles.

On aimerait hésiter longtemps entre... ceci et cela..., mais le choix doit être fait, et quand bien même on ne voudrait pas choisir, on choisit. Aucun moyen de rester entre les deux, le pied que nous appuyons le plus fortement sur le sol nous emporte, nous détermine.

On se croit facultatif, inessentiel - on croit que nos choix n'engagent rien, ni personne, et c'est le contraire. Nous sommes cet être unique au passé unique, au présent et au futur uniques. Nos choix sont importants ; il n'y a RIEN de plus important. Que voulons-nous ?

Où allons-nous ?

Que devenons-nous ?

Où nous retrouverons-nous ?

Et lorsqu'il faudra faire preuve de la plus grande sagesse, de la plus grande circonspection et du plus grand courage, ferons-nous demi-tour ?

Allons-nous à l'aveuglette vers un avenir... inconnu, ou irons-nous vers la vérité ?

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je suis tombée sur ton blog par hasard, pour voir si des gens se sentaient comme moi à ce moment précis...
    J'ai lu ton article "Excroissance", qui m'a fait me sentir mieux, sentiment de régression... "Le mal-être, la culpabilité, les larmes, le sentiment d’être une chose insignifiante, sale, inutile et méprisable, les questions sans réponse, la faiblesse, les rêves impossibles, la confusion mentale, l’humiliation, la folie…", ce fragment est très parlant et pointe ce problème-là du sentiment d'insignifiance , d'inutilité (que l'on ressent bien quand on est en lettres et quand l'entourage renvoie cette image fausse de nous-mêmes!!!). Voilà, merci pour cet article, ça remet les idées en place, quand tout nous semble inatteignable et si loin :)

    Encore merci!

    Cordialement

    Elisabeth

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  2. merci pour ton commentaire, Elizabeth! :-)

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