"Comment déterminer les prédispositions à certaines maladies psychologiques ? Hérite-t-on du caractère dépressif de ses parents ? Pour tenter de répondre à ces questions, les 380 enfants participant à cette étude ont été divisés en quatre groupes :
- Ceux dont les parents souffrent de dépression et de crises de panique ;
- Ceux dont les parents souffrent uniquement de crises de paniques ;
- Ceux dont les parents souffrent uniquement de dépression ;
- Ceux dont les parents ne souffrent d’aucun des ces troubles.
En comparant ces échantillons, les psychiatres du Massachusetts General Hospital ont observé de légères différences :
- Les crises de paniques et les tendances à l’agoraphobie des parents sont corrélées avec ce même type de problèmes chez l’enfant.
- Les dépressions majeures des parents semblent entraîner chez leur progéniture des risques élevés de phobies sociales, de troubles majeurs du comportement et de la sociabilité ainsi que le développement de dépressions. Ces enfants ont neuf fois plus de risques d’être confrontés à des dépressions majeures que ceux dont les parents ne présentent aucun trouble.
- Si les parents cumulent dépression et crises de paniques, les enfants seraient plus susceptibles de développer des crises d’anxiété de différents types. [...]
C'est toujours la même rengaine. Est-ce que ce journaliste ne sait pas raisonner, ou est-ce qu'il le fait exprès ?... Difficile à dire.
Reprenons les choses à la base :
Hérédité : transmission des caractères d'un être vivant à ses descendants ; qui est transmis de génération en génération par voie de reproduction. Le développement de la génétique donne à la notion un contenu précis. Quand on parle d'une maladie "héréditaire" on parle d'une maladie qui est transmise par les gènes.
Hérédité a eu, par le passé, un sens beaucoup plus large : celui d'héritage (ce qu'on reçoit de ses parents). Mais de nos jours, c'est hérédité au sens moderne qui prime : le mot évoque quelque chose d'inéluctable, de fatal... de génétique. Et effectivement, lorsqu'on a reçu de ses parents des yeux bleus, rien n'y pourra jamais rien changer. Lorsqu'on croit que sa dépression est héréditaire, ce qu'on croit en réalité c'est que c'est foutu, on ne pourra jamais en sortir...
Ce qui est important ici, c'est de noter que l'hérédité est ce qui transmet de génération en génération par voie de reproduction. Qu'un bébé chinois se mette à parler chinois ne signifie pas qu'il a acquis cette langue par voie de reproduction, même si ses deux parents parlent chinois : il l'a acquise par voie d'éducation. Si le bébé chinois étaient élevé par des suédois, il apprendrait le suédois.
Autrement dit, il y a ce qui se transmet de génération en génération par les gènes (l'hérédité) et ce qui se transmet de génération en génération par l'éducation, le conditionnement, la culture, les traditions, etc. S'il fallait donner un nom à ce type de transmission, on pourrait parler d'héritage (au sens large : langue, idéologie, habitudes, etc.)
L'hérédité est une sorte d'héritage biologique ; l'héritage est une espèce d'hérédité sociale.
A la différence de l'hérédité, l'héritage n'a rien de fatal ou d'inéluctable : le chinois peut apprendre le suédois, le cannibale peut devenir végétarien, l'américain peut perdre son arrogance, l'arabe peut arrêter de se plaindre, le norvégien peut devenir expansif, le parisien peut apprendre à sourire, etc.!
L'être humain est - ou du moins peut être - en constante transformation ; il suffit qu'il le veuille et qu'il se donne les moyens de faire ou refaire son éducation sur de nouvelles bases.
Pour revenir à l'article incriminé, ce qui est contestable ce ne sont pas les faits rapportés (les enfants de dépressifs sont nettement plus dépressif que la moyenne) que la conclusion que le journaliste en tire, et qui n'est absolument pas conséquente :
"Si l’hérédité de ce trouble semble aujourd’hui se confirmer, il ne faut pas pour autant négliger la prise en compte des facteurs environnementaux"
L'hérédité dont il est question n'a rien de génétique ; c'est seulement un héritage : lorsqu'on vit et qu'on est élevé par des adultes dépressifs, on a bien évidemment beaucoup plus de probabilité de le devenir. De même que lorsqu'on est éduqué par des gens de la campagne, on a beaucoup plus de probabilité d'apprendre à se servir d'un tracteur ! Il est absurde d'opposer, ou même de distinguer, cette "hérédité" familiale et éducationnelle des "facteurs environnementaux" : le fait de vivre avec des parents dépressifs EST en lui-même un facteur environnemental !
Je résume.
L'auteur de l'article oppose "hérédité" et "facteurs environnementaux" (influence de l'entourage). Or cette opposition n'a pas lieu d'être : de toute évidence la dépression des enfants dont les parents sont dépressifs est un héritage qui se transmet par l'exemple, l'éducation..., autrement dit par l'influence de l'entourage - de même quelqu'un dont tous les amis sont dépressifs a plus de chances de le devenir ! Cette explication est tellement naturelle, qu'il n'y a aucune raison de la refuser tant qu'on n'a pas trouver des preuves claires qui la contrediraient.
Cette distinction artificielle entre "hérédité" et "facteurs environnementaux" conduit le lecteur à penser que la dépression est génétiquement héréditaire - ce qui n'est absolument pas le cas, ou du moins, ce que les faits relatés par l'article ne tendent absolument pas à prouver.
Pour prouver que la dépression est une maladie génétique, il faudrait prouver que les personnes dépressives ont un gène en moins, un gène en plus, ou un gène abîmé par rapport aux autres.
Cette démonstration n'a jamais été faite, et ne sera probablement jamais faite.
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