La "logique dépressive" n'est pas logique - c'est pour ça qu'y mettre un peu de vraie logique ne peut faire que du bien.
La solitude fait mal. Enfin... ça dépend laquelle. Moi j'adore être seule. C'est peut-être dans ces moments-là que je me sens le plus vivre ; mais cette solitude-là (la mienne maintenant) n'a rien à voir avec la solitude dépressive.
Alors, en attendant de ranger son bureau ou sa chambre, pourquoi ne ranger un peu tout ça, dans de jolies boites conceptuelles bien claires, aux couvercles étanches ?...
Rangeons donc la solitude, et les solitudes, dans les cases où elles doivent être rangées pour être à leur place.
("Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place..." cette devise des gens qui ont de l'ordre n'est-elle pas belle ?... A bien y réfléchir, elle décrit la structure d'un monde idéal, d'un petit paradis.)
Il y a donc... la solitude.
On va la baptiser numéro 1. C'est la solitude qui consiste à ne pas être compris et à ne pas se comprendre soi-même. On est seul avec ce que l'on ressent, ce que l'on vit, et qu'on ne comprend pas - seul avec ce qui nous semble aussi inexplicable que l'apparition d'un lapin au fond d'un chapeau haut de forme. On se dit à soi-même : "je ne devrais pas être comme ça... je ne devrais pas penser ça... je ne devrais pas ressentir ça..." Notre solitude est douloureuse parce qu'elle est rejet incompréhensif de soi par soi.
Et il y a aussi la solitude numéro 2 ; celle-là, on y est tous abonnés - c'est cette solitude existentielle qui fait de nous des êtres séparés, responsables de leurs actes, récoltant les conséquences de leurs choix bons ou mauvais. On mange - et ce n'est pas le voisin qui grossit, mais bien nous. On ne se brosse pas les dents - et ce n'est pas sur les dents de nos parents que les caries atterrissent, mais sur les nôtres. Et cetera.
Il y a aussi la solitude numéro 3. C'est la solitude affective. Personne ne nous aime, et ceux ou celles ou celui ou celle qu'on aime le plus au monde ne veut pas de nous. Notre élan d'amour meurt contre un mur d'indifférence paisible.
Et il y a enfin la solitude numéro 4. Celle-là, c'est la conscience de soi.
C'est moi qui pense. Personne d'autre. Il n'y a pas de foule - si ce n'est dehors. Ici, dedans, je suis seul(e). Seul avec mon histoire unique, et mes empreintes digitales ne ressemblent à aucunes autres. Je ne suis pas un boulon interchangeable, je suis une pièce unique. Si je comprends ça, si je creuse et j'approfondis cette différence qui est la mienne, cette personnalité qui est la mienne (et celle de personne d'autre), je pourrai faire de cette différence une force.
Je ne suis pas obligée de m'aligner, de ressembler, de faire semblant d'être "normale" (=comme les autres). Je ne suis pas obligée d'imiter des gens qui imitent. Je peux chercher au contraire à creuser l'écart qui me libère de la norme qui étouffe, à déployer les pétales qui feront de moi une fleur sans rivale.
La solitude ne devrait pas me couper des autres - ou plutôt, elle ne doit me couper des autres que pour m'aider à renouer avec moi.
L'illusion de la différence absolue, radicale rejoint l'illusion de la norme par un autre côté. Chacun d'entre nous est unique - ou plutôt, chacun de nous peut le devenir, si seulement il ose être soi-même. Mais pour oser, il faut renoncer à ce vieux rêve moisi de normalité.
La nature humaine reste la même - et chacun de nous l'incarne à sa manière, dans son style personnel et inimitable.
Les conditions nécessaires mais pas suffisantes du bonheur sont (presque) les mêmes pour tout le monde - et notre psychologie est taillée plus ou moins sur le même patron. Amour-propre, besoin de sécurité, instabilité liée aux circonstances... nos défauts se ressemblent. Et pourtant, chacun d'entre nous a une personnalité aussi unique et inimitable que son visage.
Il n'y a pas de "monstre" - même au niveau psychologique, il n'y en a pas. Et vous n'en êtes pas un. Vos états d'âme obéissent à une logique - même si ce n'est pas celle d'Aristote.
Vos émotions, vos traits de caractère... s'expliquent.
Vous n'êtes pas "seul" en ce sens-là. Car nous sommes tous pris dans un réseau impossible à rompre de causes et de conséquences.
Et pourtant, notre solitude est une réalité. Elle est cet espace intérieur où se forme le choix - espace plus ou moins large selon la place qu'on a voulu lui accorder.
Et notre solitude, c'est notre liberté, notre singularité.
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