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03 novembre 2007

Credo, faits, interprétations

Les médicaments aident à surmonter une dépression… Les médicaments sont utiles, nécessaires, bénéfiques. Heureusement qu’ils existent !

Ça, c’est une affirmation à laquelle des milliers, voire des millions de personnes, adhèrent, parce qu’ils ont besoin d’y croire pour se rassurer, pour ne pas se décourager, pour conserver vivante la flamme palpitante de l’espoir. Un credo salvateur qu’ils se refusent à égratigner du moindre doute ; un dogme.

Près de 90% des femmes et 60% des hommes suicidés prenaient des psychotropes durant les six mois précédant l'acte. La corrélation est encore plus marquée à moins d'un mois du passage à l'acte[1].

Le risque de tentatives de suicide est supérieur chez les personnes qui prennent un antidépresseur que chez ceux qui s’en abstiennent.[2]

Ça, ce sont des faits. Des faits bêtes et brutaux qui, comme tous les faits, se prêtent à de multiples interprétations… Trois au moins sont possibles.

1/La prise massives de psychotropes et les prises d’antidépresseur sont un signal annonciateur, le grondement avant l’orage : on prend des psychotropes à la louche parce qu’on va mal, qu’on est terriblement suicidaire, et au final… on se suicide. C’est ce qu’explique un article : les ordonnances surchargées (psychotropes et antidépresseurs) « constituent des signaux d'alerte. » Ainsi, tout médecin « amené à augmenter la prescription d'un patient » devrait considérer cette prescription accrue comme un signe alarmant.[3] La lourde prescription donnée par le médecin est un signal avant-coureur de la tentative de suicide qui approche, de même que la pâleur peut être le signe avant-coureur d’un évanouissement, sans en être la cause…

Cette logique-là n’est pas neuve.

Ainsi, les médecins du dix-septième siècle avaient déjà constaté une « corrélation » entre le nombre de saignées et le décès du patient ; eux aussi en ont déduit que les saignées constituaient des « signaux d’alerte » : le malade va tellement mal, qu’on doit le saigner à répétition. Au final, malgré tous les efforts des médecins, il décède. Logique : il était malade. Si malade qu’on a du le saigner quinze fois. Et il est mort, malgré les litres de sang malsain qu’on lui a ôté du corps… Un autre patient, qu’on aura moins soigné parce qu’il était moins malade, survivra alors que celui-ci est mort. Que faut-il en déduire ?... Pas que les saignées massives augmentent les risques de mortalité, non ; seulement que lorsqu’on va très mal, les médecins vous soigne énergiquement par de nombreuses saignées. Les saignées à répétition sont ainsi un signe parmi d’autres, une espèce d’avertissement que l’on est en danger de mort.

En usant de la même logique bien rôdée, on peut réfléchir à la corrélation qui unit le coup de poing dans l’œil et l’œil au beurre noir... Il est indiscutable que les deux sont liés, car on constate que 99% des personnes qui prennent un coup de poing dans l’œil développent un hématome bleu-vert sur le même œil dans les heures qui suivent l’agression : le coup de poing dans l’œil est le signe avant-coureur d’un coquard qui va bientôt se former. Pour éviter l’hématome, la solution consiste donc non pas à éviter les bagarres et les disputes avec des supporters imbibés de bière (ça ne servirait strictement à rien, puisque le coup de poing n’est qu’un signal, un peu comme le tout premier symptôme du coquard), mais à se précipiter sur une poche de glace dès qu’on a encaissé le choc.

2/La seconde interprétation des faits consisterait à dire que les antidépresseurs et psychotropes sont des « facteurs déclenchant » de suicide.

Mais au fait, pourrait-on se demander, un « facteur déclenchant », qu’est-ce donc, en définitive ?...

Voici la conclusion à laquelle on parvient après des recherches approfondies : un facteur déclenchant, c’est un certain je-ne-sais-quoi qui se situe entre la cause et le pas-grand-chose. Le facteur déclenchant est une cause dans la mesure où il déclenche, mais dans la mesure où il n’est qu’un facteur déclenchant, ce n’est pas grand chose.

S’il avait été convoqué devant un tribunal, l’homme qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima aurait pu arguer à juste titre qu’il avait seulement fait office de « facteur déclenchant » : après tout, il a seulement appuyé sur un bouton…

3/La troisième interprétation des faits consisterait à dire que les antidépresseurs et psychotropes sont à ranger parmi les causes de suicide – causes secondaires comparées à d’autres facteurs plus déterminants, mais causes quand même.

C’est alors qu’une voix se fait entendre :

« Pas du tout !... Car si vraiment ces médicaments avaient cet effet-là, ils l’auraient aussi dans d’autres pays… Au Maroc, la prise de psychotrope ne rend pas plus suicidaire, elle rend seulement plus violent et plus meurtrier ! »

Il semblerait effectivement que les psychotropes ne rendent pas systématiquement plus suicidaires : en fait, tout ce qu’ils font, c’est qu’ils multiplient ce qu’on est déjà.

Les suicidaires se retrouvent ainsi plus suicidaires… Les violents plus violents… Et les personnes équilibrées et heureuses deviennent encore plus équilibrées et heureuses. Enfin, du moins, c’est ce qu’on peut supposer – mais jusqu’à présent, aucune personne équilibrée et heureuse n’a accepté de servir de cobaye pour qu’on puisse vérifier cette intéressante hypothèse. Dommage.



[1] http://www.e-sante.be/be/magazine_sante/accidents/suicide_surconsommation_soins-5403-967-art.htm

[2] Information trouvée sur : http://www.pharmacorama.com/ezine/Antidepresseurs-risque-suicide.php

[3] http://www.e-sante.be/be/magazine_sante/accidents/suicide_surconsommation_soins-5403-967-art.htm

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