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18 octobre 2007

Trois genres de victime

Il y a au moins trois types de victime.

1/La « victime » qui se prend pour une… on est tous plus ou moins dans ce cas-là, à s’imaginer commodément que tous nos malheurs sont « la faute de… » (la société, le capitalisme, les autres, les jeunes, les vieux, les voisins, nos parents, nos enfants, notre conjoint, Paul, Henri, Gwendoline, Josépha, etc.)

2/La victime qui en est réellement une, qui sait qu'elle en est une, et qui veut cesser d’en être une : elle a identifié son persécuteur en tant que tel et ne compte pas en rester là. Elle veut faire quelque chose pour rétablir l’équilibre de la balance. C’est le cas par exemple de ce voyageur à qui on a servi dans un avion un café empoisonné qui lui a perforé l’estomac, et qui a fait un procès à la compagnie aérienne.

3/La victime qui ne sait pas qu'elle en est une, qui a une image complètement idéalisée de son bourreau qu’elle idolâtre, et qui est persuadée que tous les sévices que celui-ci lui fait subir sont « pour son bien ». C’est le cas dans certaines sectes, où les adeptes vénèrent le gourou qui les maltraitent.

Dans le premier cas, la solution est de se concentrer sur sa part de responsabilité : même si elle nous paraît négligeable, elle existe – et se focaliser sur elle est la seule manière de reprendre le contrôle de son existence. En effet, se prélasser dans le rôle de victime présente certains petits bénéfices égotiques immédiats, mais est terriblement destructeur au long terme. En effet l’identité de victime est une impasse morbide : en tant que telle, une victime ne peut rien réaliser, rien accomplir – elle peut juste s’affaisser au sol en se vidant de son sang, en lançant sur son meurtrier un dernier regard accusateur… Joli rôle sur un théâtre, mais frustrant au possible dans la vraie vie.

Dans le deuxième cas, les victimes conscientes de l’être ressentent une profonde envie de se venger.

Certaines, imbibées du « tendre la joue gauche » du catéchisme de leur enfance, jugent cette envie si malsaine, si immorale, si répréhensible qu’elles s'imaginent qu'elles ont basculé du côté obscur de la force et qu'elles sont devenues méchantes... Cette croyance erronée peut les entraîner à faire par la suite des choix (de mauvais choix) qui reflèteront et confirmeront cette idée. En effet on a tous tendance à aligner nos actes sur notre image de nous-mêmes : se croire intrinsèquement et irrémédiablement mauvais, c’est se préparer à mal faire.

Dans ce cas, il faut se débarrasser de ses fausses conceptions, nettoyer ses lunettes mentales : la vengeance n'est pas moralement condamnable en elle-même. En fait, l'envie de se venger n'a rien de mauvais ni de pervers, et on aurait tort de se prendre pour Satan parce qu'on la ressent. Elle est naturelle, et correspond à un besoin de justice : se venger, c'est rétablir un équilibre, se faire rembourser une dette, rééquilibrer les plateaux de la balance. Avoir envie que celui qui a fait du mal, paye, avoir envie de se venger, c'est normal, c’est naturel : ce n’est peut-être pas saint, mais c’est tout à fait sain. Dans certaines circonstances, la vengeance est même parfaitement légitime - par exemple, lorsqu’elle est le seul moyen de dissuader le coupable de recommencer ses méfaits sur quelqu'un d'autre.

Ce qui, bien sûr, n’implique pas que l’on ait le droit de se venger n'importe comment de n'importe quoi. Il y a une différence entre l'erreur et le crime, entre le coupable qui se repent et celui qui n'a aucun remord - et dans tous le cas, il est infiniment préférable de laisser la justice faire le boulot...

Dans l’idéal, il serait souhaitable de combiner le jugement officiel de la justice avec la pratique plus intime du pardon… car ainsi on évite les ulcères d’estomac et d’autres maladies plus graves causées par la rancune : pardonner est excellent pour la santé.

La troisième catégorie est constituée par les victimes qui ne savent pas qu'elles en sont.

Un exemple de plus : les victimes du docteur Josef Mengele, pervers de génie, continuaient trente ans plus tard à le voir comme un "bon papa". Il a su les torturer en s'en faisant aimer. Du grand art.

Tant que la victime voit son bourreau comme un être bon et aimant, elle n'a pas conscience de sa réalité de victime, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en souffre pas, tout au contraire... Dans ce dernier cas, ce qui va être libérateur, c'est de prendre conscience que l'être idéalisé que l’on vénérait n'est pas ce que l'on imaginait : le prince est en réalité un vilain crapaud… un gros salaud.

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